Le thème de cette journée d’étude à l’Assemblée Nationale est : Les disparus de la Guerre d’Algérie du fait des forces françaises : Vérité et Justice ?
Cette journée est organisée par l’Association Maurice Audin et l’Association Histoire Coloniale et Postcoloniale avec le soutien de la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme.
En prenant connaissance de sa déclaration du 13 septembre 2018, relative à la reconnaissance de ce crime d’état commis à l’encontre de Maurice AUDIN, j’avais ressenti un très, très profond soulagement. ENFIN !!! Cela faisait 56 ans que j’attendais que la France reconnaisse et condamne cette pratique de la torture qui avait été institutionalisée et dont j’avais constaté l’utilisation, cette horreur, dont j’ai gardé un traumatisme.
Depuis mon retour à la vie civile, le symbole de la lutte pour la vérité sur "l’affaire Maurice AUDIN" était donc devenu pour moi une exigence absolue, et depuis près d’une vingtaine d’années l’un des objectifs prioritaires de mon combat de militant antiraciste, anticolonialiste, des droits de l’homme. Ce dur combat que je mène depuis si longtemps m’aura personnellement coûté près de 15.000 euros comme conséquence du procès que m’a intenté le Général Schmitt (voir ). ALORS, qu’une première étape soit enfin franchie, était, pour moi, une satisfaction formidable, un sacré réconfort.
Il déclarait que "les circonstances de sa disparition demeuraient floues" !!! Or, son prédécesseur déclarait le 17 juin 2014 : " Mais les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque. M. Audin ne s’est pas évadé. Il est mort durant sa détention." Que sont devenus ces documents et témoignages nombreux et concordants ? Quand pourront-ils être connus, consultés ?
Il a proposé "que toutes les archives de l’Etat qui concernent les disparus de la Guerre d’Algérie puissent être librement consultées". Lui, ou ses services, ont eu accès à ce qu’il existe comme archives dans ce domaine et sa déclaration semble donc dire qu’elles sont quasi vides. Alors ?
Il aura fallu un an pour qu’un décret donnant, semble-t-il, la liste exhaustive d’archives concernant ce dossier, soit promulgué. Il semble bien qu’elles ne soient pas plus parlantes que celles déjà transmises à la famille AUDIN. Comment s’en étonner puisque la version officielle, jusqu’en2014, donnée par l’armée était que Maurice AUDIN s’était évadé ! La Grande muette n’avait évidemment pas laissé trainer de traces compromettantes mettant en cause cette thèse !!!
Mon expérience dans ce domaine, ayant consulté les archives militaires concernant la période de mon passage à la Villa Susini, m’a confirmé, que, effectivement, l’armée, dans des cas similaires, a généralement "oublié" » de consigner, ou « adapté » l’ampleur des faits. J’ai eu le témoignage téléphonique que le fichier des algériens « passés » à la Villa Susini (dont la gestion était l’une de mes principales fonctions) a été jeté et brulé dans le jardin de cette villa le 20 mars 1962. Ce n’est très certainement pas la seule destruction d’archives de cette période, hélas ! Et laisser des espoirs de retrouver des archives significatives est vraiment illusoire, ce n’est qu’une vulgaire opération de communication.
Le président a proposé que "les personnes qui ont pu connaître les circonstances de la mort de Maurice Audin soient appelées à s’exprimer librement afin d’apporter leur témoignage et conforter ainsi la vérité". Mais, en tant que chef des Armées, il dispose d’un Chef d’Etat Major des Armées pouvant identifier tous les militaires, en particulier ceux basés à Alger dans cette période de la "Bataille d’Alger" dont un bon nombre sont encore vivants et savent (même s’ils ont tous au moins 80 ans). Ils pourraient, ils devraient témoigner, et tout particulièrement les officiers chargés du « renseignement » à cette époque. C’est d’ailleurs, à mon avis, la seule solution pour faire avancer la vérité sur cette affaire. Et sans doute, pour celà, la nécessité de constituer une commission d’enquête parlementaire. C’est d’ailleurs la proposition que je faisais dans ma lettre ouverte (du 7 septembre 2014) au Général de VILLIERS, alors chef d’Etat Major des Armées à ce moment là, et qui m’a valu le procès intenté par Le Général Schmitt, où je fus condamné pour diffamation.
Sur cette question de torture, d’élimination d’Algériens, il aurait pu également rappeler que le Ministre Pierre Mesmer a envoyé les "meilleurs spécialistes de cette pratique" (Aussaresses et Trinquier...) en Amérique du Sud pour former les militaires de cette région à cette technique, comme le rapporte le témoignage recueilli par Marie-Monique Robin lors de son reportage "Les Escadrons de la Mort, l’Ecole Française" ? Cette responsabilité de l’Etat français devrait, elle aussi, être condamnée. C’est avec l’exportation de cette pratique de la torture, des « Crevettes Bigeard » que 30.000 argentins ont péri (ceux pleurés par les "Folles de la Place de Mai") !!
Le ministre Algérien Tayeb Zitouni, dans une interview au journal "El Watan" du 11 juin 2018 (61ème anniversaire de la disparition de Maurice Audin) déclarait au journaliste L. Hachemane lors de sa visite à Boumerdès "que 4 dossiers relatifs à la Guerre de Libération Nationale, concernant le rapatriement d’ossements, étaient en cours de négociation avec la partie française" citant à cette occasion pour la première fois le nom de Maurice Audin. Où en sont ces négociations ?
La France, en décidant sans mandat de l’ONU une telle action, permet de "légitimer", demain, le fait qu’un autre pays, en concertation ou non avec un autre état décide et s’arroge ainsi, lui aussi, d’en "punir" l’auteur, parce qu’il estime qu’un forfait a été commis.
Mais peut-être plus grave encore, c’est que la France se permette de donner des leçons de droits de l’homme dans ce domaine. En effet, le Président de la République a semblé "oublier" que, pendant la Guerre de Libération de l’Algérie, le gaz (Vx et Sarin) a été utilisé (références des témoignages concrets publiés sur ce site ). L’Armée a aussi utilisé le napalm : entre 600 et 800 villages ont ainsi été détruits. En novembre 2004, j’ai eu l’occasion de visiter les ruines du village de Zaatcha, près de Constantine, du moins ce qu’il en reste : c’était un village de 800 habitants (hommes, femmes, enfants…) qui ont tous été brulés vivants. Il est possible de voir sur mon site : les images que j’en ai ramenées. C’est terrifiant, et le musée souvenir, ainsi constitué, en montre l’horreur. Ce sont donc 600 à 800 Oradour sur Glane dont la France porte la responsabilité.
Le Président de la République (par l’intermédiaire de son chef de Cabinet) m’a répondu le 28 juin, "que cette opération militaire avait été conduite en pleine légitimité internationale" version contestée par tous les juristes internationaux, mais rien sur le passé français.
Pour concrétiser la conclusion de sa déclaration du 13 septembre 2018, le Président de la République disait : "L’approfondissement de ce travail de vérité doit ouvrir la voie à une meilleure compréhension de notre passé, à une plus grande lucidité sur les blessures de notre histoire, et à une volonté nouvelle de réconciliation des mémoires et des peuples français et algérien."
Dans la liste de ces crimes concernant la France à l’encontre de l’Algérie, il y a aussi le 8 Mai 1945 (constantinois : Sétif, Guelma Khératta..), le 8 février Massacre au Métro Charonne à Paris, les Camps d’internement (pudiquement appelés alors camps de regroupement ayant fait plusieurs centaines de milliers de victimes), les essais nucléaires du Sahara, les viols, les "Crevettes Bigeard",... Il serait important, justement, qu’il n’y ait pas une hiérarchie dans la reconnaissance des crimes commis, que tous le soient, que la France, pour retrouver sa légitimité de revendiquer son statut de pays leadeur dans la lutte pour les droits de l’homme s’honore en reconnaissant enfin ces "dérapages". C’est à ce prix que la réconciliation des mémoires entre les peuples Français et Algériens pourra se faire totalement, et qu’ainsi la France retrouvera une parole écoutée sur le plan international pour lutter contre les atteintes aux droits de l’homme.
Dans quelques semaines ce sera le 58ème anniversaire du massacre du 17 octobre 1961 au Pont Saint Michel à Paris. Aurons-nous enfin une déclaration officielle de le Présidence de la République reconnaissant ce crime d’état ?
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