Henri POUILLOT
Guerre d’Algérie, Colonialisme...
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6 Octobre 2013 au Père Lachaise
Article mis en ligne le 20 octobre 2013

par Henri POUILLOT
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Le dimanche 6 octobre 2013 en fin de matinée, 45 personnes ont pris part à une manifestation privée organisée au cimetière du Père Lachaise (Paris-20e) à l’occasion du 2e anniversaire du dévoilement par Monsieur Bertrand Delanoë, Maire de Paris, de la première stèle en hommage à l’ensemble des victimes civiles et militaires de l’OAS en Algérie et en France.

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Intervention de Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)

Je dédie mon intervention à Mme Vve Marcel Basset et à Mme Micheline Renard, membres bienfaitrices de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS, décédées cette année, respectivement en juin et en juillet.

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Quelques mots pour saluer la présence aux côtés des membres et des responsables de l’Anpromevo, de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons et du Comité vérité et justice pour Charonne :

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- de M. Hamou Bouakkaz, adjoint au maire de Paris en charge de la démocratie locale et de la vie associative ;

- de M. Jean Laurans, président départemental de la FNACA de Paris ;

- de M. Alban Liechti, président de l’association Agir contre le colonialisme aujourd’hui ;

- de M. Gilles Manceron, responsable Mémoire, Histoire, Archives de la Ligue des droits de l’Homme ;

- de M. Georges Morin, président de l’association Coup de soleil ;

- de M. Raphaël Vahé, président national de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC).

Parce que nous sommes fiers, Jean-Philippe Ould Aoudia et moi, de les avoir auprès de nous, dans nos associations respectives, parce que des raisons personnelles auraient pu les retenir ailleurs, remercions également de leur participation M. Michel Levallois, préfet honoraire, membre de l’Académie des sciences d’outre-mer, et Me Nicole Rein dont les combats les plus récents, menés avec le regretté professeur Albert Jacquard, nous rappellent, par leur inspiration humaniste, les engagements d’hier.

Et puisque nous sommes sur cette note de nostalgie, permettez-moi de vous dire la peine que j’éprouve en imaginant que nous ne verrons plus autour de cette stèle ni la frêle silhouette de Henri Alleg, ni l’écharpe rouge de Mouloud Aounit, ni le visage - découvert il y a deux ans - de Mme Micheline Renard, mère de Delphine.

Oui, deux ans. Il y a deux ans jour pour jour, heure pour heure, M. Bertrand Delanoë exprimait ici même sa fierté que Paris, capitale de la France, capitale de la République, soit la première commune, la première institution française, à honorer d’un mémorial le souvenir de l’ensemble des victimes du terrorisme de l’OAS, organisation qu’il qualifia alors, avec pertinence, d’idéologiquement criminelle et de barbare dans ses actes.

Voulant faire de cette démarche un acte de rassemblement, le maire de Paris précisait : « Pour unir, pour servir la paix, pour être ensemble, il n’y a qu’un moyen : la vérité, l’humilité et la dignité de savoir dire quelles sont les victimes et quelles sont les forces du Mal. Et les forces du Mal, ce sont les idéologies qui refusent l’autre, qui refusent son droit à la dignité, qui refusent notre égalité dans nos différences. »

Le 6 octobre 2012, une date qui ne doit rien au hasard, une stèle voyait le jour à Alençon, avenue Wilson, érigée à la mémoire d’Alfred Locussol, fonctionnaire de l’État, abattu à quelques mètres de là, le 3 janvier 1962. L’OAS, depuis l’Algérie, l’avait poursuivi de sa vindicte, lui qui avait été le témoin, sur place, et accusateur des injustices de la colonisation.

À l’occasion de cette cérémonie, M. Joachim Pueyo, député-maire, rappelait combien ce devoir de mémoire était essentiel pour notre conscience collective et citoyenne et que les initiatives de cette nature honoraient les fondements de notre démocratie. C’était compter sans ces forces du Mal, toujours agissantes, sans cesse revigorées, qui, dans les nuits suivantes, s’employèrent à démolir ce symbole de leur forfait passé : ignominieuse profanation, qui aurait justifié une indignation équivalente à celle ayant suivi la destruction de la plaque apposée à la mémoire du préfet de Corse Claude Erignac sur les lieux de son assassinat.

Mais la malfaisance occulte a dû reculer face à l’ordre démocratique, et la plaque commémorative - par deux fois remplacée - s’est imposée comme une marque de l’histoire de la commune, ensanglantée un demi-siècle auparavant par les irréductibles de l’Algérie française.

Ce 6 octobre 2013, c’est à une cérémonie privée que vous assistez, mais dont il sera rendu publiquement compte. Je souhaite, en effet, que soit connu et diffusé le message dont sont porteuses l’Anpromevo et les associations qui la soutiennent.

Ce message est en lien avec une certaine actualité politique. Il s’adresse aux maires sortants et à celles et ceux qui vont briguer leur succession. Il ne vise pas les futurs candidats de la droite transformiste, capable, par clientélisme, de revêtir le costume de la bête immonde. Il vise encore moins ceux des droites de l’extrême, propagatrices des idéologies les plus sombres de notre histoire. Il vise au contraire les femmes et les hommes pour qui le pacte républicain et la concorde citoyenne ont un sens.

A elles comme à eux, je demande un discours intransigeant et des actes concrets de résistance contre la frange ultra-droitière d’une mouvance nostalgérique toujours prompte à coloniser l’espace communal pour y dresser stèles, statues, murs, monuments à la gloire de l’Algérie française et de ses prétendus héros. Dernière conquête des anciens factieux : Aix-en-Provence, le 7 juin. Mais tant et plus en quatre décennies d’une aventure révisionniste commencée en 1973 dans un jardin public de Nice, avec une sculpture devant laquelle il arrive à Christian Estrosi de se prosterner : une sculpture exaltant le lieutenant déserteur Roger Degueldre, chef des commandos Delta de l’OAS, assassin multirécidiviste dont les actes relevaient de la barbarie en temps de guerre.

Je le dis avec quelque gravité : l’on ne saurait rester indifférent au fait que des maires de villes comptant parmi les trente plus grandes de France (Nice et Aix-en-Provence, certes, mais aussi Toulon et Perpignan) légitiment l’action terroriste dirigée contre la République et contre ses serviteurs.

Il n’y a jamais loin de la légitimation à l’apologie. Et l’apologie de crimes commis en masse par des Français contre d’autres Français, l’apologie de crimes racistes, l’apologie de crimes contre l’humain doivent être dénoncées avec plus de détermination lorsqu’elles sont le fait d’élus dotés de la qualité d’agent de l’État.

Comment admettre, en effet, que des dépositaires de l’autorité publique, des acteurs de premier plan de la démocratie et de la citoyenneté locales, enfreignent délibérément les lois et règlements et se mettent au service de pourfendeurs de la République pour participer avec eux à la réhabilitation d’une organisation terroriste ?

Et comment ne pas craindre de ces mêmes élus qu’ils défient les lois de la République au gré d’autres circonstances, en relation ou non avec la guerre d’Algérie ? Les refus, constatés à Nice et à Perpignan en particulier, d’appliquer la loi prévoyant la commémoration du 19 mars 1962 résonnent ici tels des signaux d’alerte : des signaux annonciateurs de possibles voies de fait dans d’autres domaines de compétence municipale, comme, par exemple, le refus discriminatoire de se soumettre à certaines de ses obligations d’officier d’état civil.

Devant le député-maire d’Alençon, il y a un an, je déclarais : « Puisse le 6 octobre devenir une date de référence dans le calendrier des hommages aux victimes du terrorisme comme aux victimes de la guerre d’Algérie. ». Notre rassemblement d’aujourd’hui marque, dans cette perspective, une étape supplémentaire : il tend à ancrer la date du 6 octobre dans le paysage mémoriel français, en en faisant une journée associative de recueillement et du souvenir des victimes de l’OAS. Et puisque l’Isère est représentée ici, je forme le vœu que, l’an prochain, nous puissions nous transporter dans une commune de ce département où nos Morts, nos blessés, nos mutilés méritent reconnaissance.

Mais d’ici là, trois rendez-vous au moins nous permettront de nous retrouver unis dans la douloureuse mémoire des victimes de la guerre d’Algérie : le 17 octobre au pont Saint Michel, le 8 février au Métro Charonne et le 19 mars au pied du Mémorial national des morts pour la France en AFN. En cette journée désormais officielle de commémoration, nous aurons, présent à l’esprit, ce message du ministre de l’Éducation nationale Lucien Paye, lu dans tous les établissements scolaires au cours de la matinée du 19 mars 1962, date de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, et destiné à saluer le sacrifice de six inspecteurs des centres sociaux éducatifs, assassinés par l’OAS, quatre jours auparavant, dans l’exercice de leurs fonctions au service des valeurs spirituelles et morales qu’enseigne l’Université française.

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