Henri POUILLOT
Guerre d’Algérie, Colonialisme...
Descriptif du site
Discours de Toulon du 7 février 2007
La conception Sarkosite du Colonialisme (texte intégral)

Ce discours écrit par Henri GUAINO est le document de fond de la politique que Sarkozy entendait mener, et tout particulièrement de sa conception des relations colonialistes qu’il entendait mettre en œuvre s’il était élu

Article mis en ligne le 7 février 2007
dernière modification le 3 novembre 2010

par Henri POUILLOT
Imprimer logo imprimer

Nicolas Sarkozy à Toulon
Nicolas Sarkozy
Président de l’Union pour un Mouvement Populaire
Réunion Publique
Toulon - Mercredi 7 février 2007

Mes chers amis,

Quand je vous vois si nombreux, je me dis qu’une espérance est en train de naître.

Cette espérance, je n’ai pas le droit de la décevoir.

Cette espérance, je n’ai pas le droit de la laisser s’éteindre.

Car le mal français aujourd’hui c’est le manque d’espérance.

Car le drame de la France aujourd’hui c’est le doute qui la ronge.
La France doute d’elle-même, de son identité, de son rôle, de son avenir.

Aimer la France c’est d’abord lui redonner l’espoir, c’est d’abord lui rendre confiance en elle-même.

Vous êtes la preuve vivante que cet espoir ne demande qu’à renaître.
Vous êtes la preuve vivante que notre peuple n’a pas renoncé, qu’il n’est pas résigné.

Quand je vois votre foule immense je mesure l’attente qui grandit d’une politique nouvelle. Je mesure à quel point malgré le sentiment d’avoir été parfois trompé, quelques fois trahi, malgré les frustrations, malgré la colère souvent, dans le peuple français la volonté de construire reste la plus forte.

Ici, à Toulon, comme partout en France, j’entends ce cri qui s’élève des profondeurs du pays et dont l’écho semble se répéter indéfiniment : « ça ne peut plus durer ».

Ça ne peut plus durer les travailleurs pauvres qui se demandent quoi faire pour s’en sortir.

Ça ne peut plus durer le pouvoir d’achat trop faible, les enfants condamnés à vivre moins bien que leurs parents, la difficulté de se loger décemment.
Ça ne peut plus durer l’assisté qui gagne plus que le travailleur, l’école qui n’apprend pas à lire, à écrire, à compter correctement.

Ça ne peut plus durer la violence, des multi-récidivistes.

Ça ne peut plus durer le petit voyou et le patron voyou qui restent impunis.

Ça ne peut plus durer les parachutes en or pour celui qui échoue, les stock options réservées à quelques-uns.

Ça ne peut plus durer la discrimination, l’inégalité des chances, la panne de la promotion sociale.

Ça ne peut plus durer les femmes moins payées que les hommes, les mariages forcés, la loi des grands frères, la polygamie, l’excision.

Ça ne peut plus durer les délocalisations provoquées par la concurrence déloyale, le dumping social, écologique, fiscal.

Ça ne peut plus durer le travail découragé, le travailleur démoralisé.

Ça ne peut plus durer le travailleur qui paye pour tout le monde.

Ça ne peut plus durer les valeurs de la France bafouée, l’histoire de France répudiée, la nation dénigrée.

Ça ne peut plus durer la France qu’on regarde se défaire en proclamant que l’on n’y peut rien.

Dans Toulon, ville du grand large, dont Vauban voulait faire « le plus grand port d’Europe », ville dont le destin est lié à tout jamais au destin maritime de la France, à ses heures les plus glorieuses, à ses instants les plus tragiques, ville qui a vu éclore le génie de Bonaparte, ville enfin ressuscitée après un long déclin par l’ardeur de ses habitants et par l’enthousiasme et l’énergie de son maire, mon ami Hubert Falco.

Dans Toulon qui revit et qui montre à la France qu’avec un peu de coeur, d’intelligence et de courage rien n’est jamais perdu.
Dans Toulon, vieille ville provençale tournée vers la mer, je suis venu dire aux Français que leur avenir se joue ici, en Méditerranée.

Ici où tout a commencé, au bord de cette mer qui ne mène pas à des terres inconnues mais aux rivages familiers vers lesquels depuis des millénaires nous tournons nos regards et nos pensées à chaque fois que nous rêvons d’une certaine idée de l’homme et de la civilisation.

La Méditerranée est pour nous tous, même quand nous n’y avons jamais vécu, un souvenir d’enfance où se mélangent des dieux de l’Egypte et de la Grèce, des chevaliers des Croisades, de vieux temples en ruines, des sensations de chaleur sèche, de lumière éblouissante, de senteurs entêtantes, de joie de vivre, et sur fond de mer et de ciel bleu des tragédies terribles, pleines de sang et de fureur, de haines inexpiables, d’une violence archaïque que le long travail des civilisations n’a pas réussi à éteindre.

Quand on évoque tout ce qui constitue notre conception de la personne humaine dans sa dimension intellectuelle comme dans sa dimension morale et spirituelle, tous nos regards se tournent vers la Méditerranée qui nous a tout enseigné. Nous sommes les enfants de l’Egypte, de la Grèce, d’Israël, de Rome, de Venise, de Florence, de Séville. Nous sommes tous les enfants de Socrate condamné à mort pour avoir perverti la jeunesse athénienne, d’Alexandre éternellement jeune et de son rêve grandiose d’un empire universel unissant l’Orient et l’Occident, d’Auguste faisant tous les soirs sa prière à tous les dieux de l’empire, d’un humble Juif crucifié pour avoir enseigné aux hommes à s’aimer les uns les autres.

Quand je pense à la Méditerranée, je pense à l’homme européen qu’elle a fait naître. Je pense à cette part de moi-même, à cette part de chaque Français, de chaque Européen, qui donne le sentiment, face à la Méditerranée, d’un retour à la source, à l’origine de sa propre pensée, de sa propre identité.

Je pense aussi à cette part de moi-même qui me fait me sentir chez moi quel que soit le pays, quel que soit le rivage qu’elle baigne.

Nous sommes aussi les enfants de Cordoue et de Grenade, les enfants des savants arabes qui nous ont transmis l’héritage des anciens Grecs et qui l’ont enrichi.

Nous tous, Juifs, chrétiens, musulmans, non croyants, nous sommes les héritiers d’un même patrimoine de valeurs spirituelles qui donne à nos dieux et à nos civilisations tant de ressemblances.

Je pense au Dieu du père Christian, le prieur de Tibhirine assassiné par le GIA, dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion avec les enfants de l’Islam et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences.

Je pense à la prière de Notre-Dame d’Afrique à Alger : « Priez pour nous chrétiens et pour les musulmans ».

Je pense à Jérusalem, la ville sainte de tous les croyants, qui devrait être pour tous les hommes le symbole de la tolérance et de l’amour et que l’histoire a vouée à la souffrance et aux malheurs.

Je pense au dialogue si fécond jadis, si nécessaire et pourtant si difficile, entre la chrétienté et la civilisation musulmane.

Je pense à cette nouvelle Renaissance si nécessaire sur les deux rives de la Méditerranée et pour tous les hommes, et que nous devons accomplir ici, à la charnière du Nord et du Sud, de l’Orient et de l’Occident.

Notre grand tort est d’avoir longtemps, trop longtemps, tourné le dos à la Méditerranée.

Le drame algérien, l’occultation du passé colonial, la mode de la repentance ont contribué à nous rendre étrangers à ce qui avait été si longtemps et si naturellement un prolongement de nous-mêmes.

Que tous nos regards se soient tournés exclusivement vers le Nord et vers l’Est, que le Sud ainsi fût oublié intellectuellement, culturellement, moralement, politiquement, économiquement, que la Méditerranée cessât d’être un lieu d’où jaillissait pour nous la richesse, la culture et la vie, qu’elle cessât de représenter une promesse pour ne plus constituer qu’une menace, n’est pas pour rien dans la crise d’identité et la crise morale que nous traversons.

Il faut dire les choses comme elles sont : en tournant le dos à la Méditerranée, l’Europe et la France ont cru tourner le dos au passé. Elles ont en fait tourné le dos à leur avenir. Car l’avenir de l’Europe est au sud.

Le rêve européen a besoin du rêve méditerranéen. Il s’est rétréci quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation.

Cessons de noircir le passé. L’Occident longtemps pécha par arrogance et par ignorance. Beaucoup de crimes et d’injustices furent commis. Mais la plupart de ceux qui partirent vers le Sud n’étaient ni des monstres ni des exploiteurs. Beaucoup mirent leur énergie à construire des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux. Beaucoup s’épuisèrent à cultiver un bout de terre ingrat que nul avant n’eux n’avait cultivé. Beaucoup ne partirent que pour soigner, pour enseigner. On peut désapprouver la colonisation avec les valeurs qui sont les nôtres aujourd’hui. Mais on doit respecter les hommes et les femmes de bonne volonté qui ont pensé de bonne foi œuvrer utilement pour un idéal de civilisation auquel ils croyaient. Il faut respecter ces milliers d’hommes et de femmes qui toute leur vie se sont donné du mal pour gagner par eux-mêmes de quoi élever leurs enfants sans jamais exploiter personne et qui ont tout perdu parce qu’on les a chassés d’une terre où ils avaient acquis par leur travail le droit de vivre en paix, une terre qu’ils aimaient, parmi une population à laquelle les unissait un lien fraternel.

Je veux le dire à tous les adeptes de la repentance qui refont l’histoire et qui jugent les hommes d’hier sans se soucier des conditions dans lesquelles ils vivaient, ni de ce qu’ils éprouvaient.

Je veux leur dire : de quel droit les jugez-vous ?

Je veux leur dire : de quel droit demandez-vous aux fils de se repentir des fautes de leurs pères, que souvent leurs pères n’ont commises que dans votre imagination ?

Je veux leur dire : n’avez-vous donc jamais été émus par la voix de Camus parlant pour tous ceux qui allaient devoir quitter la terre de leur enfance ? « j’ai aimé avec passion cette terre où je suis né, j’y ai puisé tout ce que je suis et je n’ai jamais séparé dans mon amitié aucun des hommes qui y vivent, de quelque race qu’ils soient. Bien que j’aie connu et partagé les misères qui ne lui manquent pas, elle est restée pour moi la terre du bonheur, de l’énergie et de la création. »

A tous ceux d’entre vous qui sont revenus des colonies en ayant tout abandonné, n’emportant avec eux que leurs souvenirs de jeunesse et cette nostalgie qui ne les quittera plus jamais, je veux dire que si la France a une dette morale, c’est d’abord envers eux.

Aux enfants des harkis qui ont servi la France, qui ont dû fuir leur pays et que la France a si mal accueillis, je veux dire que si la France doit des excuses et des réparations, c’est à eux qu’elle les doit.

A tous les anciens combattants de nos anciennes colonies, je veux dire la reconnaissance de la France et je veux rendre hommage à Jacques Chirac de leur avoir rendu justice.

Aux Algériens, aux Marocains, aux Tunisiens, à tous les ressortissants de nos anciennes colonies qui espérant dans la France sont venus y vivre, je veux que la France tende la main, qu’elle les accueille fraternellement, qu’elle ne leur offre pas la repentance mais la compréhension et le respect.
A celui qui veut devenir Français, d’où qu’il vienne, je veux qu’elle offre l’égalité des droits et des devoirs et la fierté d’être Français.

Mais je lui dis aussi qu’il doit prendre en partage l’histoire de France, qu’il doit accepter que le pays dans lequel il vient soit un vieux pays qui a commencé d’exister bien avant lui. Il doit comprendre que ce pays est un pays de liberté qui demande simplement qu’on le respecte et qu’on l’aime.

Je souhaite qu’on ne puisse pas vivre en France sans respecter sa culture et ses valeurs. Je souhaite qu’on ne puisse pas s’installer durablement en France sans se donner la peine d’écrire et de parler le Français. Et à ceux qui veulent soumettre leur femme, à ceux qui veulent pratiquer la polygamie, l’excision ou le mariage forcé, à ceux qui veulent imposer à leurs sœurs la loi des grands frères, à ceux qui ne veulent pas que leur femme s’habille comme elle le souhaite je dis qu’ils ne sont pas les bienvenus sur le territoire de la République française. A ceux qui haïssent la France et son histoire, à ceux qui n’éprouvent envers elle que de la rancœur et du mépris, je dis aussi qu’ils ne sont pas les bienvenus.

A tous les peuples de la Méditerranée qui passent leur temps à ressasser le passé et les vieilles haines de jadis, je veux dire que le temps est venu de regarder vers l’avenir.

Beaucoup d’entre vous sans doute se souviennent du beau poème de Victor Hugo sur l’enfant grec de l’île de Chio ravagée par la guerre, qu’on apprenait jadis à l’école. Rappelez-vous : « Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus, je veux de la poudre et des balles. »

Quand l’enfant grec cessera de détester l’enfant turc, quand l’enfant palestinien cessera de haïr l’enfant juif, quand l’enfant chiite cessera de maudire le sunnite, quand l’enfant chrétien tendra la main à l’enfant musulman, quand l’enfant algérien ouvrira les bras au Français, quand l’enfant serbe deviendra l’ami du Croate, la Méditerranée redeviendra le plus haut lieu de la culture et de l’esprit humain et elle pèsera de nouveau sur le destin du monde. Nos enfants ne sont pas condamnés pour l’éternité à la vengeance et à la haine. La Méditerranée doit faire pour elle-même ce que fit l’Europe après deux guerres qui avaient failli l’anéantir.

Ce que la France et l’Allemagne ont réussi à faire, les pays méditerranéens doivent pouvoir le faire aussi. Ils ne le feront pas en exigeant de chacun l’expiation de son histoire. La France n’a pas dit à l’Allemagne : "expiez d’abord, nous verrons après".

Le moment est venu de dire à tous les enfants de la Méditerranée, comme le général de Gaulle à la jeunesse allemande : "soyez fiers d’être les enfants de grands peuples qui ont parfois, au cours de leur histoire, commis de grandes fautes et qui ont apporté au monde des trésors de pensée, d’art et de science".

Votre avenir vous appartient, il est dans l’estime, la confiance, l’amitié mutuelles que vous vous témoignerez les uns aux autres.

Le temps est venu non de l’oubli, mais du pardon.

Le temps est venu non de réclamer vengeance une fois encore, mais d’aimer la vie tout simplement.

Il faut regarder la Méditerranée à l’aune de la mondialisation. La mondialisation est un fait. Un fait aussi plein d’espoir que lourd de menaces.
Alors qu’une partie de l’humanité s’arrache à la misère, une autre s’enfonce dans la pauvreté.

Refuser de voir la détresse au milieu de l’abondance, oublier la misère matérielle et morale de l’ouvrier du Tiers-Monde exploités jusqu’au bout de leurs forces, et derrière les succès, ne pas regarder les inégalités, la violence et le pillage des ressources naturelles, c’est se condamner à ne pas comprendre que la mondialisation doit être abordée comme un problème de civilisation et pas seulement comme un problème économique.

La mondialisation c’est la croissance économique mondiale plus forte que jamais. C’est aussi le réchauffement climatique et des milliers de pauvres gens qui s’entassent dans des pirogues pour traverser la mer.

La mondialisation c’est les droits de l’homme et la démocratie. C’est aussi le terrorisme et le fanatisme religieux.

La mondialisation c’est l’ouverture des frontières. C’est aussi les murs qui un peu partout s’élèvent pour séparer les peuples.

La mondialisation c’est l’avènement de la première civilisation mondiale. C’est aussi la plus grande menace qui ait jamais pesé sur la diversité culturelle.

La mondialisation c’est la raison trop sûre d’elle-même qui provoque le retour en force de l’irrationnel et de l’obscurantisme.

La mondialisation c’est l’occidentalisation du monde confrontée au rejet de l’Occident.

On ne peut pas continuer de répondre à la souffrance sociale, à la détresse morale, à des angoisses légitimes : « c’est triste mais on n’y peut rien ».

On ne peut pas continuer de répondre à l’angoissante question de l’avenir que dans l’interdépendance des nations, entre la montée en puissance du client et de l’actionnaire, au milieu du va-et-vient incessant des capitaux et des marchandises, le marché est tout et la politique rien.

Je n’accepte pas cette idée.

L’accepter c’est faire le lit de tous les extrémismes et de tous les fanatismes.
L’accepter c’est accepter que la mondialisation soit le nouveau nom de la fatalité.

Seule la politique peut mettre la mondialisation au service de l’homme. Seule la politique peut prévenir la révolte de l’homme contre une mondialisation dont il a le sentiment qu’elle l’asservit au lieu de le libérer.

L’avenir n’est écrit nulle part.

Le pire serait de subir.

La politique n’est impuissante que lorsqu’elle ne veut rien.

Avons-nous assez pris conscience que la tragédie de la mondialisation se joue pour nous Européens, pour nous Français, d’abord en Méditerranée ?

A cet endroit et à ce moment précis où le choc des civilisations devient une menace réelle pour l’humanité, là, autour de cette mer baignée de lumière où depuis deux mille ans la raison et la foi dialoguent et s’affrontent, là sur ces rivages où l’on mit pour la première fois l’homme au centre de l’univers, là se joue une fois encore notre avenir.

Là si nous n’y prenons garde les valeurs communes à toutes les civilisations dont nous sommes les héritiers perdront la bataille de la mondialisation. Là nous pouvons tout gagner ou tout perdre. Nous pouvons avoir la paix ou la guerre, la meilleure part de la civilisation mondiale ou le fanatisme et l’obscurantisme, le dialogue des cultures le plus fécond ou l’intolérance et le racisme, la prospérité ou la misère. Dans le monde se dessinent de vastes stratégies continentales qui enjambent les hémisphères. Entre le continent américain d’un côté et l’Asie de l’autre, la géographie de la mondialisation pousse l’Europe à imaginer une stratégie euro-africaine dont la Méditerranée sera fatalement le pivot.

Il ne s’agit pas de faire seulement du bassin méditerranéen un pont entre le Nord et le Sud. Il s’agit d’en faire un foyer de paix, de culture, de démocratie, de développement durable d’où naîtra dans le creuset des siècles et des civilisations le destin commun de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique. L’Amérique et la Chine ont déjà commencé la conquête de l’Afrique. Jusqu’à quand l’Europe attendra-t-elle pour construire l’Afrique de demain ? Pendant que l’Europe hésite, les autres avancent. La mondialisation n’attendra pas que l’Europe se décide enfin à en être un acteur et pas seulement à la subir.

Le dialogue Euro-Méditerranée imaginé il y a 12 ans à Barcelone n’a pas atteint ses objectifs. L’échec était prévisible dès lors que la priorité de l’Europe était à l’est. L’échec était prévisible dès lors que le commerce avait pris seul le pas sur tout le reste alors que c’était la coopération qui aurait dû être la priorité absolue. L’échec était prévisible dès lors qu’il s’agissait une fois de plus de faire dialoguer le Nord et le Sud, en perpétuant cette frontière invisible qui depuis si longtemps coupe en deux la Méditerranée et en continuant d’opposer ses deux rives au lieu de les unir.

Le dialogue entre l’Europe et la Méditerranée est capital. Mais il ne peut pas réussir s’il s’agit seulement de faire dialoguer l’Union Européenne avec l’Afrique du Nord. Je propose que l’on prenne le problème autrement. C’est d’abord aux pays méditerranéens eux-mêmes de prendre en main la destinée que la géographie et l’histoire leur ont préparée. C’est à la France, européenne et méditerranéenne à la fois, de prendre l’initiative avec le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Grèce et Chypre, d’une Union Méditerranéenne comme elle prit jadis l’initiative de construire l’Union européenne. Cette Union Méditerranéenne aura vocation à travailler étroitement avec l’Union Européenne. Elle aura vocation un jour à avoir avec elle des institutions communes parce que la Méditerranée et l’Europe auront pris conscience que leurs destins sont liés.
C’est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne qu’il nous faut envisager les relations de l’Europe et de la Turquie. Car l’Europe ne peut pas s’étendre indéfiniment. L’Europe si elle veut avoir une identité doit avoir des frontières et donc des limites. L’Europe si elle veut avoir une puissance ne peut pas se diluer sans cesse. L’Europe si elle veut pouvoir fonctionner ne peut pas s’élargir sans arrêt. La Turquie n’a pas sa place dans l’Union Européenne parce qu’elle n’est pas un pays européen. Mais la Turquie est un grand pays méditerranéen avec lequel l’Europe méditerranéenne peut faire avancer l’unité de la Méditerranée. C’est la grande ambition commune que je veux proposer à la Turquie.

C’est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne qu’il nous faut repenser ce qu’on appelait jadis la politique arabe de la France,

C’est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne qu’il nous faut approcher le problème de la paix au Moyen-Orient et chercher une issue au conflit israélo-palestinien.

L’union de la Méditerranée pourrait s’organiser autour d’une rencontre périodique de ses chefs d’Etats et de gouvernements comme les grands pays industrialisés ont leur G8. Elle aurait un Conseil de la Méditerranée comme l’Europe a le Conseil de l’Europe.

Un système de sécurité collective lui permettrait de garantir la paix autrement que par la course aux armements et l’intimidation.

Si je suis élu, la France consacrera à la sécurité collective en Méditerranée des moyens d’intervention accrus. Elle y augmentera notamment ses moyens aériens et ses moyens maritimes, parce que j’ai la conviction que c’est son devoir, que c’est son intérêt, que sa sécurité en dépend, et parce que je crois à la vocation maritime de la France.

C’est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne qu’il nous faut concevoir l’immigration choisie, c’est-à-dire décidée ensemble, organisée ensemble, maîtrisée ensemble.

C’est parce que j’aime la France, parce que je sais qu’elle est notre bien le plus précieux, parce que la France partage avec tous les pays de la Méditerranée le même idéal humain, parce qu’autour de la Méditerranée, au-delà de toutes les différences, tous les hommes ont au fond en commun le même humanisme que nous pouvons, que nous devons regarder tous ensemble en face la question de l’immigration.

C’est parce que l’immigration non maîtrisée est une catastrophe pour les pays de départ comme pour les pays d’accueil que je veux poser à l’échelle de la Méditerranée la question de l’immigration clandestine. Elle fait la fortune des marchands de sommeil et des passeurs sans scrupule qui n’hésitent pas à mettre en danger la vie des pauvres malheureux dont ils exploitent la détresse. Aussi je souhaite qu’une convention soit élaborée entre tous les pays méditerranéens pour faciliter les reconduites à la frontière, et je souhaite que celui qui a été reconduit dans son pays ne puisse pas obtenir un titre de séjour en France pendant les 5 ans qui suivent.

Je souhaite que les étrangers en situation irrégulière soient exclus du droit au logement opposable.

C’est parce que je crois en la Méditerranée comme un espace de solidarité et de coopération que je souhaite que soit mise en place avec tous les pays qui l’entourent une politique commune d’immigration choisie, c’est-à-dire décidée ensemble, organisée ensemble, maîtrisée ensemble, et que dans ce cadre chaque pays fixe chaque année le nombre des étrangers qu’il peut accueillir dans des conditions qui permettent de respecter la dignité des personnes, que l’immigré en situation régulière ne puisse faire venir sa famille que dans la mesure où les revenus de son travail lui permettent de la faire vivre et de la loger décemment, qu’une charte fixe clairement les principes de l’entrée et du séjour des étrangers dans les pays d’accueil.

L’écologie pourrait constituer le deuxième pilier des politiques communes à tous les pays méditerranéens.

Car l’effet de serre, la pollution des mers, l’épuisement des ressources naturelles ont pour conséquences des migrations massives de population et la rareté qui engendre toujours la violence. Les guerres de la faim et les guerres de l’eau qui menacent le monde à venir pourraient bien être les plus terribles que l’humanité ait connu parce que ce seront des guerres désespérées.

Le problème de l’environnement n’est plus seulement le problème de la qualité de la vie. C’est le problème de la vie tout court. L’enjeu c’est de savoir si dans la civilisation mondiale la pulsion de vie va l’emporter ou non sur la pulsion de mort.

Pour préserver l’avenir il faut cesser de préempter toutes les ressources des générations futures au profit des générations présentes. Il faut que chacun d’entre nous cesse de tirer des traites écologiques sur les générations à venir.

Car cette dette a ceci de tragique qu’elle n’est pas remboursable. La vie détruite ne ressuscitera pas. L’équité entre les générations est une nécessité vitale. Elle exige que chacun paye ce qu’il consomme. Elle exige que chaque génération supporte entièrement le coût des décisions qu’elle prend.

La solution n’est pas chez les idéologues du retour à la nature, ni chez les anti-nucléaires. Président de la République je confirmerai et développerai l’engagement de la France en faveur de l’énergie nucléaire.

Elle n’est pas dans le reniement de l’économie, de la science et du progrès. Elle est dans le développement durable.

Le développement durable ce n’est pas la fin du travail.

Ce n’est pas la croissance zéro.

C’est la technologie propre.

C’est le principe pollueur-payeur.

C’est la responsabilité.

Je propose que nous commencions par la dépollution de la Méditerranée que nous ne pouvons accomplir que tous ensemble parce qu’il ne sert à rien que les uns ne polluent plus si les autres se mettent à polluer de plus belle.

La planète ne sera pas sauvée seulement parce que les pays riches feront des efforts, ni a fortiori parce que seulement une partie d’entre eux y consentira Il faudra aussi que le problème du sous-développement soit résolu, car il est bien difficile de se projeter dans le futur quand on meurt de faim.

Mais on ne résoudra pas le problème du sous-développement seulement par la compassion et la charité. On ne le résoudra pas non plus en développant les uns au détriment des autres. On ne nourrira pas l’Afrique en détruisant l’agriculture européenne mais en assurant l’autosuffisance alimentaire de l’Europe et de l’Afrique. Pour se développer l’Afrique n’a pas d’abord besoin que ses agriculteurs produisent pour nourrir l’Europe. Elle a d’abord besoin de se nourrir elle-même, elle a besoin de l’indépendance et de l’autosuffisance alimentaire, besoin d’une agriculture vivrière davantage que d’une agriculture spéculative. Elle a besoin d’éducation, de santé, d’administration, de droit, de sécurité plutôt que de se laisser mourir de faim pour exporter. Plus que de recettes d’exportation, l’Afrique a besoin de produire pour consommer, de créer sa propre épargne, de l’investir chez elle , d’accumuler son propre capital.

Le défi de la Méditerranée c’est celui du co-développement.

Le co-développement c’est le troisième pilier sur lequel pourrait reposer une Union Méditerranéenne.

Le co-développement, c’est le développement solidaire au lieu d’être antagoniste.
C’est la reconnaissance d’un intérêt méditerranéen commun.

C’est le partage de la technologie, de la connaissance, des compétences, des médicaments entre les pays.

Ce sont des pôles de compétitivité communs, des laboratoires communs, des universités communes sur tout le pourtour de la Méditerranée.

C’est le libre échange négocié et régulé.

C’est la compréhension, le respect et la coopération.

C’est la création d’une banque méditerranéenne d’investissement sur le modèle de la banque européenne d’investissement.

C’est la coopération entre les entreprises et les accords de sous-traitance.

Pourquoi ce que le Japon réussit à faire si efficacement avec la Chine, l’Europe ne pourrait-elle pas le faire aussi bien avec l’Afrique du Nord et le Moyen Orient ?

Le co-développement c’est la gestion commune de l’eau.

C’est une politique commune de l’énergie.

C’est une politique commune de protection et de mise en valeur du patrimoine.

Le quatrième pilier de l’Union pourrait consister dans la mise en place d’une coopération intégrée pour lutter ensemble contre la corruption, le crime organisé et le terrorisme adossée à un espace judiciaire commun.

Nous avons tant de choses à préserver ensemble. Un art de vivre qui par tant d’aspects se ressemble d’un rivage à un autre et qui tient au climat, à la couleur du ciel, à l’importance de la famille, à l’ancienneté des traditions, au mélange qui s’est fait entre les racines antiques et tout ce qui s’est ajouté ensuite.

Un rapport au monde, à la nature, façonné par la croyance en un dieu unique hors de portée de l’appréhension humaine et qui est si grand que les hommes sont tous égaux devant lui.

Un paysage façonné par l’homme durant des millénaires comme un chef-d’œuvre, un jardin fabuleux avec ses plantes ramenées des quatre coins du monde.

Nous avons tant à faire ensemble, nous sommes si semblables et si différents.

Assez proches par les héritages communs pour pouvoir nous comprendre comme jadis l’empereur du Saint-Empire et le Sultan d’Egypte.

Assez différents cependant pour que l’échange soit fécond, pour que du métissage des cultures naissent des idées neuves, des créations inédites, des combinaisons inattendues, des inventions que seuls la rencontre, le mélange et la diversité peuvent engendrer.

Faire de la Méditerranée, de sa résistance à l’uniformisation du monde, la plus grande source de créativité au milieu de la mondialisation, et à partir de là rendre vivante au centre de l’économie globale une idée de l’homme et de la civilisation.

C’est en réussissant cette osmose par laquelle chacun sans renoncer à ce qu’il est acceptera de partager avec l’autre la meilleure part de lui-même que nos sociétés ouvertes retrouveront leur capacité d’intégration et inventeront de nouvelles manières de vivre ensemble.

La Méditerranée c’est un enjeu pour notre influence dans le monde. C’est un enjeu pour notre manière de vivre avec les autres. C’est un enjeu pour notre cohésion nationale et c’est un enjeu pour chacun d’entre nous. C’est aussi un enjeu pour l’Islam qui hésite entre le modernisme et le fondamentalisme.
Mais l’idée de l’homme qui peut permettre d’unir la Méditerranée, qui peut la réunir à l’Europe, qui peut nous permettre d’enjamber les hémisphères et de lier ensemble les sorts de l’Afrique, du Moyen Orient et de l’Europe qui la souhaite vraiment ?

Cet humanisme que partageaient jadis les savants musulmans et les érudits chrétiens et qui ne demande qu’à être réactualisée, qui donc veut en faire le critère, le principe de toutes les politiques publiques ?
Cette morale, cette pensée autour de laquelle le Nord et le Sud, l’Orient et l’Occident pourraient se rassembler et qui serait une forme de résistance au fatalisme et au renoncement, cette morale peut-elle être à l’origine de cette nouvelle Renaissance, où, comme dans celle de jadis, tout sera possible, où les hommes, de nouveau, auront le sentiment qu’ils peuvent tout accomplir ?
Faire une politique de civilisation comme le voulaient les philosophes des Lumières, comme essayaient de le faire les Républicains du temps de Jules Ferry. Faire une politique de civilisation pour répondre à la crise d’identité, à la crise morale, au désarroi face à la mondialisation.

Faire une politique de civilisation, voilà à quoi nous incite la Méditerranée où tout fut toujours grand, les passions aussi bien que les crimes, où rien ne fut jamais médiocre, où même les Républiques marchandes brillèrent dans le ciel de l’art et de la pensée, où le génie humain s’éleva si haut qu’il est impossible de se résigner à croire que la source en est définitivement tarie.

La source n’est pas tarie.

Il suffit d’unir nos forces et tout recommencera.

Je crois au marché, je crois à la concurrence, je crois au capitalisme, mais je crois aussi à la valeur de l’homme, je crois à l’éthique, à la justice, au travail. Je crois à la liberté mais aussi à la responsabilité. Je crois à l’ordre mais je crois aussi au mouvement. Ce sont les valeurs de l’humanisme. Ce sont les valeurs que la Méditerranée a inculquées à tous les hommes qui sont venus s’abreuver à sa source.

C’est à l’école, c’est à l’université que se jouera l’avenir de cette idée de l’homme qui nous vient du plus profond de ce que nous sommes et qu’il nous faut adapter aux exigences du XXIe siècle. Le projet éducatif c’est ce par quoi commence toute politique de civilisation.

C’est ce par quoi, surtout dans la période où nous sommes, devrait commencer tout projet politique.

Quelles valeurs, quelle vision du monde, quelle culture allons-nous transmettre à nos enfants, bref quel type d’homme voulons-nous en faire ? C’est tout de même la question essentielle. Nous ne bâtirons pas la même société selon que nous nous enseignerons à nos enfants telle ou telle conception de l’homme ou selon l’idée de la laïcité à laquelle l’école se référera.

Je souhaite une école qui redonne la première place à la culture humaniste parce qu’elle est pour nous la source de tout.

Je souhaite une école qui apprenne à l’enfant qu’en respectant la planète c’est l’humanité qu’il respecte.

Je souhaite que la laïcité ce soit le respect de toutes les religions et non le combat contre la religion.

Nous ne bâtirons pas la même société selon que nous placerons ou non au cœur de l’école les valeurs du travail, de l’effort, et du mérite.

Je souhaite une éducation qui fasse redécouvrir aux enfants le plaisir de la connaissance après le long effort de la pensée, qui leur fasse aimer le savoir comme la récompense du travail de l’intelligence.

Nous ne bâtirons pas la même société selon que nous accepterons l’autonomie, l’orientation, la sélection et l’excellence pour l’université ou que nous les laisserons dépérir.

Mais au cœur de la crise morale il y a la crise de la valeur travail.

Le travail c’est la dignité, c’est l’égalité des chances, c’est la promotion sociale, c’est le fondement de la citoyenneté. C’est la liberté et c’est la responsabilité.

L’ assistanat c’est le reniement de la valeur travail.

Avec l’assistanat l’homme subit au lieu de vouloir.

L’assistanat est dégradant pour la personne humaine. Il démoralise ceux qui se donnent du mal. Il rend toujours plus dépendants et plus vulnérables ceux qui en bénéficient.

Je veux être le Président d’une France dans laquelle l’Etat aide ceux qui en ont besoin, ceux que les accidents de la vie ont abîmés au point qu’ils n’arrivent plus à se tenir debout tout seuls. Ma France, c’est celle où l’Etat ne laisse personne dans la détresse, où l’Etat tend la main à l’enfant pauvre, au malade, au handicapé, à la personne âgée qui est dépendante, où l’Etat accompagne ceux qui veulent s’en sortir, ceux qui sont prêts à faire un effort sur eux-mêmes, où l’Etat donne à ceux qui n’ont plus la force de vouloir, l’énergie de vouloir de nouveau.

Car vouloir pour soi-même, c’est espérer encore. Et toute la grandeur de l’homme est dans cette espérance qui le pousse à se dépasser, qui fait de sa vie une aventure dans laquelle rien n’est écrit par avance, qui le fait acteur et non spectateur de sa propre histoire.

Je veux être le Président d’une France où la politique aura pour but que brûle toujours dans le cœur de chacun la flamme de l’espérance qui indique à l’homme qu’il est maître de sa destinée.

Si je souhaite qu’il n’y ait plus aucun revenu d’assistance sans une activité d’intérêt général qui en soit la contrepartie, c’est parce que je veux que celui qui est secouru retrouve l’estime de lui-même dans la reconnaissance de son utilité sociale.

Derrière la crise du travail il y a le sentiment désespérant que la promotion sociale est impossible, que le mérite n’est plus récompensé et que le travail ne paye plus, qu’il ne protège même plus de la pauvreté. Avec la crise de la valeur travail c’est l’espérance qui disparaît. Comment espérer encore si le travail ne permet plus de se mettre à l’abri de la précarité, de s’en sortir, de progresser ?

Je n’accepte pas qu’il puisse exister des travailleurs pauvres alors que l’on a déjà bien assez à faire avec ceux qui sont pauvres parce qu’ils n’ont pas de travail !
Pour que le travail apparaisse de nouveau comme un moyen d’émancipation, il faut que le travail permette de faire vivre décemment sa famille, d’éduquer ses enfants.

Il faut l’encourager au lieu de le décourager.

Il faut cesser de dévaluer le travail en surévaluant la monnaie.

Il faut cesser de faire du travailleur la seule variable d’ajustement de l’économie.

Il faut cesser de faire du travailleur celui qui paye pour tous les autres.

Je veux être le Président de la réhabilitation des travailleurs et de la hausse du pouvoir d’achat.

Il faut bien comprendre que ce qui est en jeu c’est une idée de l’homme. C’est un problème de valeurs.

Il y a une culture ouvrière, une façon d’être des ouvriers, un rapport particulier des ouvriers à la vie et au travail. Je ne veux pas que cette culture ouvrière se perde. Je ne veux pas d’une France sans usine. Si les usines partaient, le reste partirait aussi.. Il y a une culture paysanne. Il y a un rapport particulier des paysans au travail et à la terre. Je ne veux pas que cette culture se perde.

Il y a une culture des artisans. Un rapport particulier des artisans avec la perfection du geste, avec la précision de la technique. Je ne veux pas que cette culture se perde.

La France sans paysan, sans artisan, sans ouvrier serait une France appauvrie moralement, culturellement, économiquement. Je pense aussi aux employés, aux techniciens, aux ingénieurs, aux cadres, je pense aux infirmières, je pense aux professeurs, aux médecins, à tous ceux qui aiment leur métier, qui en sont fiers. Ils considèrent qu’ils doivent le faire le mieux qu’ils peuvent. Ils ont un sens du devoir, un sens moral, un courage qui force l’admiration. A leur manière ce sont des résistants. Des résistants contre la disparition d’un type de civilisation et d’un type d’homme qui respectent le travail comme une condition de la liberté, qui pensent que l’honneur c’est toujours s’efforcer de faire le mieux possible ce qu’on a à faire, que la dignité c’est de ne rien devoir qu’à soi-même et que le premier devoir d’un homme c’est de transmettre ses valeurs à ses enfants.

Aux ouvriers qui ont tant de savoir-faire, aux paysans qui depuis des générations font fructifier leur terre, aux artisans qui n’aiment que ce qui est parfait et dont les secrets se transmettent de génération en génération depuis des siècles, aux ingénieurs qui subissent eux aussi la concurrence des ingénieurs de l’Inde ou de la Chine dix fois moins payés, je me refuse à dire que tout est fini, qu’il n’y a plus de place pour eux, qu’ils doivent disparaître, qu’ils ne servent plus à rien. Je veux leur dire que rien n’est perdu. Un métier qui disparaît, un village qui se vide, un bassin industriel qui s’effondre, c’est un drame. Aucune nécessité économique ne justifie que la politique soit indifférente à ce drame et à la souffrance qu’il cause. Nulle impuissance publique n’oblige à accepter sans rien faire ce gâchis humain qu’un petit effort d’imagination, de volonté et de morale suffirait à éviter. A quoi sert la politique si elle ne donne pas sa chance à chacun ?

Je crois dans la force créatrice du capitalisme mais je suis convaincu que le capitalisme ne peut pas survivre sans une éthique, sans le respect d’un certain nombre de valeurs spirituelles, sans l’humanisme, sans le respect de la personne.

Je suis convaincu que l’économie a besoin de souplesse et qu’empêcher de licencier empêche d’embaucher. Mais je ne peux pas admettre que quelqu’un puisse être licencié sans qu’on lui dise pourquoi.

Je trouve normal que celui qui prend des risques et qui réussit puisse être bien payé. Mais je trouve inadmissible les parachutes en or pour ceux qui échouent.

Je ne crois pas à la pérennité d’un capitalisme dans lequel l’homme ne compterait pas, dans lequel le chef d’entreprise n’aurait de responsabilité que vis-à-vis de ses actionnaires sans en avoir aucune vis-à-vis de ses salariés, de la société, de son pays, des générations futures.

Je ne crois pas à la survie d’un capitalisme déshumanisé où toute la propriété est diluée dans la Bourse, où l’actionnaire n’a plus aucun lien avec l’entreprise et avec ceux qui y travaillent, où l’entreprise n’est plus une communauté humaine.

Je suis convaincu qu’il faut rééquilibrer le capitalisme financier dans un sens plus favorable à l’entrepreneur et au capitalisme familial.

Je veux être le Président d’une France qui travaille à humaniser et à moraliser la mondialisation.

Je veux être le Président d’une France qui s’efforce de fonder l’ordre du monde sur les valeurs spirituelles et morales qu’elle incarne aux yeux de tous les hommes et qu’elle doit continuer d’incarner.

Je veux être le Président d’une France qui donne au monde l’exemple d’un nouvel humanisme par lequel l’homme, cessant de vouloir dominer la nature, forgera avec elle une alliance d’où naîtra la civilisation du futur.

Je veux être le Président d’une France qui défende partout les droits de l’homme et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. D’une France qui s’oppose aux dictatures et combat le totalitarisme, cette tyrannie où le tyran n’a pas de visage parce qu’il est partout, jusque dans les têtes. D’une France qui défende l’intérêt des plus pauvres et des générations futures. Je veux être le Président d’une France qui comprenne que l’Europe est la seule chance pour éviter la mort d’une certaine idée de l’homme que la Méditerranée nous a léguée, pour que cette idée demeure vivante dans le dialogue des civilisations et des cultures
Je veux être le Président d’une France qui fera comprendre à l’Europe que son avenir, son destin même, se trouve en Méditerranée.

Je veux être le Président d’une France qui engagera la Méditerranée sur la voie de sa réunification après douze siècles de division et de déchirements.
Jamais peut-être n’a-t-il été aussi nécessaire, aussi vital pour l’Europe et pour le monde de poser à l’homme méditerranéen la même grande question que Jean Monnet posait il y a plus d’un demi-siècle à l’homme européen. Jamais sans doute il n’a été aussi nécessaire, aussi vital d’engager la construction de la Méditerranée comme fut engagée il y a plus d’un demi-siècle la construction européenne.

Jamais peut-être il n’a été aussi vital pour la France de renouer avec un grand dessein qui lui permette de s’extraire de son doute.

Ensemble nous allons tenter d’offrir au monde l’exemple d’une nouvelle Renaissance dont il a besoin.

Ensemble nous allons tenter de redonner du sens à la politique. Ensemble nous allons tenter une fois de plus d’étonner le monde et de retrouver confiance en nous-mêmes.

Si les Français le veulent, si vous le voulez, tout deviendra possible, tout deviendra possible pour vous, tout deviendra possible pour vos enfants, tout deviendra possible pour la France, tout deviendra possible pour la Méditerranée.

Vive la République,

Vive la France.

Forum
Répondre à cet article


puce

RSS

2002-2024 © Henri POUILLOT - Tous droits réservés
Site réalisé sous SPIP
avec le squelette ESCAL-V3
Version : 3.79.26