Henri POUILLOT
Guerre d’Algérie, Colonialisme...
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Bien triste Noël 2015 !!!
Lettre ouverte à François Hollande
Article mis en ligne le 27 décembre 2015
dernière modification le 9 janvier 2016

par Henri POUILLOT
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Objet : "Le changement, c’est Maintenant ???"

Monsieur le Président,

Je viens de passer un bien triste Noël

En 2012, croyant sans doute naïvement à votre slogan "Le Changement, c’est maintenant", je vous ai fait confiance et j’ai donc voté pour que vous puissiez mettre en œuvre une autre politique que celle du Sarkozisme.

Peu à peu, mes illusions s’envolent, les unes après les autres, et depuis ce mercredi 23 décembre, avec votre décision de vouloir proposer au Congrès d’inscrire dans la Constitution, à l’occasion d’une révision de la constitution, la déchéance de nationalité pour les binationaux, même nés en France, impliqués dans des affaires terroristes, je suis complètement sidéré. Déjà depuis quelque temps les mesures, que vous voulez graver également dans le marbre de la constitution française, à savoir l’état d’urgence étaient déjà une grave atteinte aux droits de l’homme.

Non seulement depuis votre élection vous avez multiplié les mesures politiques, sociales, économiques identiques à la politique sarkoziste, en prévoyant même des atteintes graves au droit du travail, aux acquis sociaux, aux droits de l’Homme… que même le sarkozisme n’avait pas osé mettre en œuvre, mais depuis quelques semaines vous reprenez à votre compte les pires revendications du FN, de la droite extrême. Comment s’étonner ensuite des derniers résultats électoraux ? Avec le sarkozisme, on pouvait évidemment craindre à une accentuation des remises en cause des droits de l’Homme dont notre pays déclare souvent en être le pays. On ne pouvait quand même pas croire qu’un Président Socialiste, héritier d’un Jean Jaurès, humilie à ce point notre France.

Témoin de la Guerre de Libération de l’Algérie, témoin de la pratique institutionnalisée de la torture (affecté de juin 1961 à mars 1962, à la Villa Susini, en temps qu’appelé), votre geste symbolique du 15 octobre 2011 (la veille du second tour de la primaire de votre parti pour l’élection présidentielle) m’avait laissé effectivement espérer un vrai changement important pour votre venue à l’Elysée : Vous veniez de signer la pétition que le "Collectif du 17 Octobre 1961" (dont je suis l’un des animateurs) qui demandait au Chef de l’Etat de reconnaître ce massacre vieux de 50 ans comme étant un crime d’Etat commis par la France. Alors, quelle fut ma déception, lorsque, en octobre 2012, quelques mois après votre prise de fonction présidentielle, vous avez refusé de recevoir les militants de ce collectif venant vous demander de confirmer signature et vous avez diffusé un communiqué sibyllin, reniant ainsi votre engagement de l’année précédente.

L’année 2015 commençait par le drame de l’attentat contre les journalistes de Charlie-Hebdo. La réaction fut un formidable élan pour "un vivre ensemble" harmonieux, mais rapidement les relents du racisme sous différentes formes se sont réactivés, et tout particulièrement l’islamophobie. Vous avez "surfé" sur la peur collective pour gagner quelques points aux sondages de votre popularité.

Manuel Valls, il y a quelque temps a tenu des propos à connotation raciste à l’égard de Roms propos d’autant plus inqualifiables qu’ils furent prononcés dans l’exercice de ses fonctions, qui auraient dus l’être dans le cadre des valeurs de la République Française.

Sur le plan économique, social, la macronite aiguë, a démontré aux Français qu’ils n’avaient pas compris le slogan "La changement, c’est maintenant !" de 2012 pour lequel ils avaient voté pour se débarrasser du sarkozisme. Le remplacement de Jean-Marc Ayrault par Manuel Valls était déjà un signe de l’accélération de la droitisation du pouvoir. La politique d’austérité, grignotant les budgets familiaux, précarisant de plus en plus de compatriotes (surtout des jeunes), générant de plus en plus de chômage ne peut que démoraliser les Français, qui naturellement, se trouvant trahis, se réfugient soit dans l’abstention, soit dans le vote extrême droite.
L’Opération "Serval", au Mali, qui devait éradiquer le "terrorisme" dans cette région, dans les 3 mois, est une remarquable démonstration de son inefficacité puisque 3 ans plus tard, les attentats ont toujours lieu dans cette région, le "calme" est loin d’être revenu.

Votre dérive de chef de Guerre pour éradiquer partout dans le monde, et particulièrement au Moyen Orient, le terrorisme, ne réussit, de fait, qu’à déstabiliser cette région du monde, le chaos ainsi orchestré ne pouvant que générer des commandos prêts à tout. Toutes les victimes civiles, victimes collatérales des frappes aériennes, ne peuvent que renforcer, légitimer le combat de Daesh.

A la suite des terribles attentats de novembre dernier, les mesures que vous avez prises ont permis à Daesh de gagner une première manche dans son combat. En restreignant les libertés individuelles et collectives des Français vous avez ainsi satisfait l’une de leurs revendications essentielle. L’état d’urgence ne peut en rien empêcher les attentats. Ce n’est pas parce qu’il y multiplication de vigiles (le seul avantage est celui de créer quelques emplois précaires), de quelques milliers de militaires déambulant dans les rues, les gares, aéroports, centres commerciaux qu’un commando décidé à commettre un attentat suicide ne va pas le réaliser. Il repèrera simplement le moment opportun pour passer à l’acte. Le déferlement de communication pour tenter de faire admettre que la sécurité de nos compatriotes est ainsi améliorée par de telles mesures frôle l’escroquerie intellectuelle. L’exemple de la Guerre de Libération de l’Algérie l’a amplement démontré. En Afghanistan, en Irak,… plus récemment, on peut constater, hélas avec réalisme, l’illusoire de telles politiques. Ce n’est pas par les armes que l’on peut combattre une idéologie.
Les assignations à résidence, systématisées ne peuvent qu’inquiéter. Les militants écologistes qui en ont été victimes, n’étaient pas des terroristes. Qu’on leur interdise de s’exprimer, d’autant plus dans une période comme celle de la COP21 à Paris montre bien que la dérive de ces mesures est inacceptable. Le Gouvernement Français a appliqué, et compte poursuivre dans ce sens, et cela comme dans les pays gérés par des dictateurs contestés pour la mise en cause des libertés, des droits de l’Homme.

Une question capitale devrait pourtant interpeller l’Etat Français. Comment se fait-il, que, selon les informations officiellement diffusées, un millier de Français sont allés en Syrie pour faire la Guerre à LEUR pays, et que plusieurs autres milliers sont prêts à les imiter ? Cette interrogation est fondamentale, et ce n’est qu’en fonction de la réponse formulée que cette source pourra se tarir. Ne rien faire c’est se rendre coupable de la réalisation des prochains attentats, inévitables. Les auteurs des attentats du 13 novembre sont très majoritairement des Français qui n’ont pas hésité, au sacrifice de leur vie, à s’attaquer à la France, à ce qu’elle représente pour eux. Certains ont, semble-t-il, des ancêtres originaires du Maghreb (pas tous puisque certains sont, selon des expressions racisantes, de "souche" de la France profonde), mais ils sont nés en France, ne connaissent que ce pays, le leur, mais ne s’y reconnaissent pas. Certains "issus de l’immigration", selon l’expression courante, sont en fait discriminés, tout comme leurs parents, arrières grands-parents pour leurs origines "d’indigènes", toujours pas considérés comme des Français à part entière, mais seulement comme des sous citoyens. Discriminés en permanence : pour la recherche de travail, pour la qualification professionnelle, pour le logement,… contrôlés systématiquement au faciès... n’étant que des "Français" de seconde zone, il ne faut pas s’étonner qu’ils éprouvent une rancœur envers le pays qui les rejette, les exclue, d’autant plus que la situation, la précarité a tendance à s’aggraver d’année en année… Les fiches "S" n’ont pas empêché cette "radicalisation", et le projet de déchéance nationale n’arrêtera jamais celui qui a décidé qu’il était prêt à mourir en martyr. De plus, cette mesure sera inapplicable. Quel pays, tout comme la France, accepterait d’accueillir un criminel, donc étranger, sur son territoire, simplement parce qu’une décision de justice l’aurait décidé ? En 1945/46, est-ce que la France aurait accepté que l’Allemagne nous envoie ses nazis s’installer librement chez nous ?

Toutes ces mesures que vous voulez graver dans le marbre de la constitution : l’état d’urgence et ses dérives liberticides, la déchéance de nationalité, les assignations systématiques à résidence, ce sont des mises en cause extrêmement graves pour les droits de l’homme, les valeurs républicaines de la France, souvent, jusqu’ici, considérées comme un modèle international. Ce sont des mesures réclamées par la droite la plus extrême !!! Il ne faut donc pas s’étonner qu’un quotidien italien s’interroge : "on ne sait plus trop si Marine Le Pen n’a pas pris le pouvoir par François Hollande interposé !!!"

Les élections régionales qui viennent de se dérouler démontrent bien le climat des Français. La très grande majorité des électeurs ne s’est pas prononcée pour un projet politique, soit écœurés, ils se sont abstenus, soit ils ont voté contre la politique qu’ils subissent. Il serait temps que vous changiez de politique, dans le sens de votre engagement : "Le Changement, c’est maintenant", mener une vraie politique de gauche, avec ses valeurs, celles de la République. C’est le seul moyen de battre le FN la droite extrême, de redonner espoir aux jeunes

Quelques chiffres de résultats sur une commune (Trappes) que je connais bien, y habitant depuis près de 50 ans, à gauche sans interruption depuis 1929, en sont une démonstration éclatante :
-  Au second tour des présidentielles vous y obteniez 77% des suffrages.
-  Pour les régionales, près de 70% d’abstentions au premier tour, près de 60 % au second.
-  Pour ces régionales C. Bartolone obtient 34 % au premier tour, 62 % même pas la moitié des suffrages exprimés lors de la présidentielle

La désespérance de votre politique est passée par là !!!

Espérant que peut-être, vous souviendrez vous de vos engagements : "Le changement, c’est maintenant", espérant que le quotidien italien n’ait quand même pas raison, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, mes plus sincères salutations.

Henri POUILLOT
Ingénieur retraité, Militant antiraciste, anticolonialiste, ancien combattant de la Guerre d’Algérie
L’un des animateurs des collectifs : "17 octobre 1961", "Sortir du Colonialisme", "L’autre 8 mai 1945 – Sétif"

PS : Cela fait une dizaine de lettres que je vous ai adressées, publiées sur mon site personnel et sur Médiapart, aucune n’a reçu jusqu’à ce jour la moindre réponse. Celle-ci, émanant pourtant d’un électeur qui vous a permis de gagner en 2012 ; aura-t-elle le même sort, aura-telle droit au même mépris !!

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