Le 17 octobre 1961, sera commis l’un des plus grands crimes d’états commis dans le monde, en Europe en particulier, avec ces centaines de victimes.
Il faut se souvenir que la France domina l’un des plus importants empire colonial du monde. Le colonialisme, basé sur le racisme, justifié parfois comme nécessaire pour "apporter la civilisation" en fait avait pour but essentiel d’exploiter, piller les richesses locales au profit de sociétés coloniales. Il faut se souvenir du film documentaire de notre ami René Vautier "Afrique 50" qui illustrait remarquablement comment le colonialisme était mis en œuvre. Ce, film fut saisi et interdit pendant des dizaines d’années.
Il serait temps que la France reconnaisse, comme pour l’esclavagisme, que le colonialisme est un crime contre l’humanité. Il serait temps que la loi du 23 février 2005 soit abolie, cette loi qui avait dit "les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord…". Même si cette phase a été retirée, cette loi reste profondément imprégnée de colonialisme.
Pour l’Algérie, la France a la lourde responsabilité d’avoir usé de tous les moyens pour tenter d’y conserver sa domination. C’est au prix de crimes d’états (8 mai 1945 –Sétif, Guelma, Kherrata.., 17 octobre 1961, Charonne 8 février 1962) de crimes de guerre (utilisation du gaz VX et Sarin, de villages –entre 600 et 800 -rasés au napalm, des essais nucléaires au Sahara dont les conséquences sont encore sensibles aujourd’hui), des crimes contre l’humanité (institutionnalisation de la torture, du viol, des camps d’internement –pudiquement appelés camps de regroupement-, des exécutions sommaires –corvées de bois, exécutions d’otages, crevettes Bigeard…-…) que la France a tenté d’écraser ce mouvement de libération nationale. Il serait plus que temps que la France reconnaisse sa responsabilité dans ce domaine et condamne ces crimes commis en son nom, comme cela fut fait par Jacques Chirac pour la Shoah.
Certains disent que la France, avec François Hollande, a fait quelques pas dans ce domaine comme sur le 17 octobre, la disparition de Maurice Audin et tout récemment au sujet des Harkis. Reprenons ces 3 points :
17 octobre 61. Certes François Hollande a déclaré le 17 octobre 2012 "Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes." Mais le terme de crime n’est pas repris, et la responsabilité, sous entendue, n’est pas clairement définie. Pourtant le 15octobre 2011, à la veille du 50ème anniversaire de ce massacre, il avait personnellement signé la pétition que notre collectif avait initiée, diffusée par Médiapart demandant au futur président de la République de reconnaître et condamner ce crime d’état. Il avait même rajouté qu’il irait jeter les fleurs au pont de Clichy, ce qu’il fit d’ailleurs. Il faut dire que ce 15 octobre là, c’était un samedi, la veille du second tour des primaires socialistes qui l’opposait à Martine Aubry et que celle-ci venait de signer quelques instants plus tôt cette même pétition. Fort de cet encouragement notre collectif lui proposa un mois à l’avance, pour le 17 octobre suivant, alors qu’il avait été élu, de confirmer son engagement de candidat. N’ayant pas d’échos à ce courrier, nous annonçons que le 17 octobre, à 15h, nous allions venir chercher la réponse. Nous lui n’avons pas été reçus, nous sommes restés un heure sous la pluie, sur le trottoir, en face du palais présidentiel. Devant ce mépris nous sommes partis pour assurer le rassemblement du Pont Saint Michel où nous pensions annoncer la position du Président de la République. C’est dans le métro que nous avons appris ces 3 phrases que je viens de rappeler, expédiées sur les télescripteurs des agences de presse, mais qui ne nous ont même pas été remises en main propre.
Maurice Audin. Quand François Hollande est allé à Alger, en décembre 2012, il s’est recueilli devant la stèle de Maurice Audin, située sur la place qui porte son nom près du tunnel des facultés. Mais ce crochet n’a été rajouté à son programme de visites que la veille de son départ, et le mot de torture n’y a pas été prononcé. Plus tard, le 17 juin 2014, un communiqué officiel remettait enfin en cause la version officielle de l’évasion de Maurice. Ce communiqué disait entre autre : "Mais les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque. M. Audin ne s’est pas évadé. Il est mort durant sa détention". Mais on ne sait pas encore comment est mort Maurice Audin : à cet âge là, il est difficilement admissible de croire à un décès naturel. Depuis 2 ans maintenant, ni les documents, ni les témoignages nombreux et concordants ainsi évoqués ne sont connus. La famille, les historiens n’ont pu avoir accès à ces informations. L’assassinat de Maurice Audin reste donc encore un mystère.
Au sujet des Harkis : il y a quelques jours, le 25 septembre dernier, le Président de la République s’exprimait "…et je l’affirme ici clairement, au nom de la République. Je reconnais les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des Harkis, des massacres de ceux restés en Algérie, et des conditions d’accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France. Telle est la position de la France." Mais il a "oublié" de dire que ce sont des victimes du colonialisme. La majorité ne "s’est pas mise sous le drapeau français" comme il l’a dit. Une grande partie de ces harkis a été enrôlée de force, ils ne se sont pas engagés "pour contrôler un territoire de plus de 2 millions de kilomètres carrés que l’Armée Française ne pouvait soumettre". Dans ce discours il est sous-entendu que la majorité des Harkis restés en Algérie furent donc massacrés. Certes plusieurs milliers furent l’objet de répressions organisées localement parce qu’ils avaient été reconnus pour les exactions dont ils avaient été responsables, et souvent, comme en France après la libération en 1945, par les "résistants de la 25ème heure" (les marsiens en Algérie). Certains ont adhéré à la notion d’Algérie Française, et parmi ceux-ci certains ont eu un comportement condamnable. Mais la majorité des anciens harkis vit encore en Algérie et des dizaines de milliers perçoivent même la retraite d’Anciens Combattants. Effectivement, les Harkis et leurs familles "parqués" dans les camps de Rivesaltes, Jouques… ont connu une discrimination honteuse. Certes quelques uns, très rares, de leurs enfants sont parvenus à réaliser une scolarité leur permettant se sortir de la condition sociale misérable de leurs parents, mais la majorité continuent encore aujourd’hui, ainsi que les petits enfants à connaître la discrimination liée à leurs origines d’indigènes. La journée du 25 septembre est humiliante : en effet, ces harkis ont porté le même uniforme que moi-même dans cette période, ils ont vécu les mêmes difficultés, horreurs que moi. Il est donc scandaleux qu’il y ait une journée spéciale, différente de commémoration entre les militaires qui portaient le même uniforme que les militaires métropolitains, c’est constituer une discrimination inqualifiable à leur égard, une forme de racisme d’état à leur égard, les considérant comme des citoyens de seconde zone.
On voit bien par ces 3 exemples que même les dirigeants actuels de la France n’entendent pas faire la lumière sur l’histoire de notre pays et tentent de la travestir, y compris par des propos de compassion, pour éviter d’en affronter la réalité. Cela a des conséquences sur le quotidien pour les ressortissants de ces familles originaires d’Algérie à qui on refuse toujours de les reconnaître comme des citoyens à part entière, qui restent discriminé, des indigènes.
55 ans après ce 17 octobre 1961, la France qui revendique souvent être le pays des droits de l’homme, n’en montre pas vraiment le chemin. Comment peut-on donner des leçons dans ce domaine ? Je rappelle les coups de menton au sujet de l’utilisation du gaz Sarin en Syrie en 2013 contre la population civile, et tout récemment contre la Russie. Tant que notre passé sera entaché par ces nombreuses violations que je rappelais il y a quelques instants, la voix de la France sera difficilement audible au plan international.
Mais cette non reconnaissance de ce passé, et la poursuite d’une politique colonialiste (la Françafrique en particulier) ont des effets importants dans la population française, pour le vivre ensemble harmonieux. Pour l’illustrer je ne rappellerai qu’une expression "issu de l’immigration". Elle est entrée dans le parler courant, dans le subconscient de nos concitoyens. Mais qui concerne-t-elle ? Manuel Valls ? Nicolas Sarkozy ? Eux sont considérés comme des Français, et peut-être même des gaulois !!! par contre ceux qui ont un nom, un prénom, une couleur de peau qui peut traduire une origine de colonisé, même s’ils ne connaissent pas le pays de leurs ancêtres ne sont toujours pas considérés comme des Français à part entière, ils restent des sous-citoyens, discriminés…
C’est sur ces mots que je conclurai, en vous demandant de ne pas baisser les bras, de continuer à soutenir ces actions pour notre fierté de défenseurs des droits de l’homme.
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