Dans cette visite des alentours de Khenchéla, nous sommes allés sur les lieux d’un village qui comptait environ 800 habitants et qui a été complètement rasé au napalm dès les 14/15 novembre 1954 par l’armée française. Un "Oradour sur glane" à la "française". La différence ? Il y a eu un peu plus de victimes, et surtout, les algériens n’ont pas péri tous ensembles dans une église, mais les familles entières, enfants compris, ont été calcinés dans leurs mechtas.
Sur l’emplacement, j’ai ramassé ce fragment de bombe : il y en a plein qui restent sur ce sol. Un des moudjahidin qui nous commentait cette visite m’a dit : "emmène le, tu le montreras en France, et tu pourras dire que c’est avec ces engins qu’une partie de ma famille a disparu ici".
A la place de ce village a été constitué ce musée, regroupant dans des présentoirs, très modestes, des munitions, des casques, des vestiges d’avions abattus (ailes, moteurs...) des armes, des coques de bombes au napalm plus ou moins déchiquetées.
A l’extérieur une stèle avec le nom de centaines de victimes, et à l’intérieur des citations de ceux qui sont morts au combat.
Une telle visite est impressionnante, très lourde d’émotion.
Les historiens estiment entre 600 et 800 villages rasés ainsi au napalm pendant cette guerre. Ce village est un des premiers : 800 victimes brulés vifs, comme à Oradour sur Glane, pas dans une église, mais dans leurs mechtas.
Lors d’un débat, à Angers, auquel j’étais convié, un ancien appelé dans l’aviation à cette époque, j’ai évoqué cette réalité, Dans la salle une personne a voulu contester. Un appelé, dans l’aviation à cette époque a révélé à sa famille et ses amis son rôle. Son unité était chargée de larguer des bombes au napalm dans son secteur, pour "nettoyer" les zones où pouvaient se trouver des fellaghas. Ses camarades de chambrée ont beaucoup réfléchi comment éviter de telles horreurs. Ils ont ainsi décidé de couper les fils de déclenchement des détonateurs sur 9 bombes sur 10. Et celle qui allait exploser, ils la jetaient là où ils pensaient qu’il n’y avait personne. En effet, ils ne pouvaient pas revenir de leur virée sans qu’une bombe n’ait explosé.
Il expliqua ensuite les états d’âmes, des cas de conscience que cela leur représentait, les cauchemars qu’ils ont eu : ils ne pouvaient savoir si leurs bombes avaient fait ou non des victimes !!!
Ce témoignage provoqua quelques instants de silence, tellement l’assistance fut sidérée d’appendre cette pratique le l’armée.