Durant les mois de février, mars et début avril 1957, la Villa des Roses, sise 74 Boulevard Galliéni, à El Biar (banlieue d’Alger) abrita une unité de parachutistes étrangers commandée par le Capitaine Martin. Celle-ci y avait installé ses bureaux d’interrogatoires et leur complément désormais indispensable : les locaux de torture.
L’un des chefs qui administraient la "question" et dirigeait la torture n’était autre que le lieutenant Le Pen, député à l’Assemblée nationale française.
Le Pen, accompagné de ses hommes, en civil ou en uniforme procédait aux enlèvements (on se rappelle en effet que le buraliste algérien de la Rue d’Isly fut enlevé par des civils et le cheikh de Tebessi par des hommes en uniforme).
Les personnes enlevées étaient séquestrées dans la Villa durant des semaines. Le suspect était d’abord accueilli par les pars. Le Pen en tête, à coups de pied et de poing jusqu’à l’abrutissement complet. On commençait ainsi par le mettre en disposition de reconnaître sa participation à un attentat, sabotage quelconque : s’il protestait de son innocence on lui administrait alors le supplice des électrodes.
Le Pen en assumait la direction : il déshabillait complètement la victime, lui liait les pieds et les poings, l’aspergeait d’eau et lui bandait les yeux. C’est alors qu’il lui administrait plusieurs décharges électriques.
Si le "patient" arrivait à supporter le "choc" et persistait dans ses dénégations, on lui plaçait sur la tête un casque relié par fil une prise de courant. La douleur, absolument intolérable, faisait hurler ceux qui subissaient cette coiffure. Pour varier ces "réjouissances", Le Pen plaçait sur les oreilles de l’inculpé des électrodes, et les y laissaient jusqu’à ce que la chair fût complètement brulée.
Puis l’on administrait à ceux, très rares, qui proclamaient encore à ce stade leur innocence, le supplice de l’eau, qu’on leur faisait ingurgiter de force avec un tuyau…
Parfois le corps du suspect était tailladé à coup de couteau.
Ces tortures duraient des semaines, à raison de deux ou trois séances par jour. Dans l’intervalle des interrogatoires, les inculpés étaient jetés, les mains liées dans une tranchée profonde de 1,60 m à 1,70 m environ.
Dans cette fosse, trop courte pour permettre au détenu de s’allonger, trop étroite pour lui permettre de se retourner, l’infortuné était jour et nuit sous la menace de la mitraillette du geôlier.
Nous ne saurions omettre de mentionner que quelques gardiens, des soldats étrangers, absolument écœurés, n’ont pas hésité à prodiguer, à l’insu de Martin, Le Pen et autres gradés, quelques soins aux suppliciés. Parmi ces militaires de cœur, il y avait également des Français : nous nous rappellerons de l’attitude du soldat Borniche, de Paris, de Laboriot et d’autres encore.
Toutefois les souffrances endurées lors des interrogatoires étaient tellement atroces que, dès les premières séances, le suspect aurait accepté la mort comme une bienheureuse délivrance. C’est pourquoi un grand nombre de "pensionnaires" ont tenté de se suicider. Le nommé Dahman fut tellement insulté, frappé, brutalisé et supplicié par Le Pen qu’il s’égorgea et fut transporté mourant à l’hôpital.
Mais les activités de Le Pen débordaient le cadre de la Villa des Roses. Il sévisait également dans une autre : la Villa Susini, depuis longtemps connue des Algériens comme lieu de torture de la PRG ; là, il fit jeter de l’essence sur le visage d’un détenu et y mit le feu. La victime défigurée fut, dans cet état, écrouée à la prison de Barberousse à Alger. La dernière trouvaille de Le Pen avant qu’il ne quittât le service des renseignements (!) fut de les extorquer aux suspects en les "travaillant" au chalumeau.
Tels furent en Algérie les hauts faits d’armes du député Le Pen, qui lui valurent une décoration des mains du Général Massu (2)
Article paru dans "Résistance Algérienne", N° 32 du 1er au 10 juin 1957, et repris tel quel dans ce livre "La Pacification"
(1) Jean-Marie Le PEN élu en 1956 sur une liste "poujadiste" (mouvement populiste de droite) démissionna de son mandat de député pour s’engager comme lieutenant dans l’armée française pour "aller casser du bougnoule"
(2) Lors du procès intenté au journal "Le Monde" en 2002, dans la séance d’appel, il reconnu qu’il était très fier de cette décoration remise dans le jardin de la Villa Susini
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