Intervention faite le 17 octobre 2012 à 18h, 2 heures après la déclaration de François Hollande à l’AFP
Il y a seulement 2 heures, nous étions très pessimistes, en colère même quand nous sommes repartis de l’Elysée avec un refus de nous recevoir. La dépêche tombée à l’AFP est une bouffée d’oxygène qui redonne espoir, espoir partagé par tous ceux qui se rassemblent sur ce pont depuis des années, attendant qu’enfin les victimes de ce massacre soient reconnues comme telles. Ce soulagement ne doit pas faire oublier qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour que l’ensemble des crimes d’Etat, crimes contre l’humanité commis au nom de la France pendant la période coloniale et tout particulièrement la Guerre d’Algérie soient reconnus, condamnés comme tels, seul objectif à atteindre pour que notre pays puisse de nouveau revendiquer une place dans les pays défendant les droits de l’homme.
Les raisons de notre pessimisme ne sont pas encore dissipées. Même si cette déclaration est extrêmement positive, des actes récents nous inquiètent.
Pour le 50ème anniversaire de la fin de la Guerre d’Algérie, c’est le premier pas mais, alors que de nombreuses organisations, personnalités, parlementaires, étaient intervenus auprès du Président de le République pour demander une expression forte à ce sujet. Seuls les sénateurs ont reçu un accusé de réception poli à leur courrier, mais rien de concret sur le fond
Quatre ministres qui sont allés en Algérie préparer le déplacement de François Hollande à Alger prévu pour la fin de l’année. La presse française a été très très discrète sur les sujets discutés. La presse algérienne a évoqué le souhait français que l’intervention militaire française envisagée au Mali recevrait le soutien algérien, que des accords économiques significatifs pourraient être signés, d’autant plus que l’Algérie dispose d’une trésorerie conséquente pour aider les entreprises françaises à s’implanter et qu’une main d’œuvre de jeunes chômeurs bien formés attendent un emploi. Mais il semble bien que les questions de droits de l’homme auraient été oubliées
L’équipe sarkosyste avait prévu que les cendres du général Bigeard seraient déposées aux Invalides. Devant les réactions (une pétition recueillant près de 10.000 signatures), cette décision avait été différée. Eh bien une décision vient d’être annoncée : c’est le Ministre de la Défense, lui-même, qui va inaugurer une stèle à la gloire de cet officier tortionnaire sur le mémorial des guerres d’Indochine à Fréjus, le 20 novembre prochain (annonce faite sur le site du ministère). Ce général a aussi le triste privilège d’avoir immortalisé une expression : les "Crevettes Bigeard". Pour éliminer physiquement, en faisant disparaître les corps, Bigeard avait inventé cette technique : sceller les pieds du condamné (sans jugement, sinon le sien), vivant, dans un bloc de béton et le larguer de 200 ou 300 mètres d’altitude d’un avion ou d’un hélicoptère en pleine mer. Il avait perfectionné cette technique : au début les algériens étaient simplement largués dans les massifs montagneux, mais leurs corps étaient retrouvés. La seconde étape fut le largage en mer, mais quelques un sont parvenus à revenir à la nage sur la côte et échapper miraculeusement à la mort. C’est pourquoi il "fignola" le raffinement de sa cruauté en inventant le bloc de ciment. C’est par cette technique enseignée par son ami le Général Aussaresses (et les officiers supérieurs instructeurs associés Lacheroy, Trinquier…) que cette technique a été exportée en Argentine en particulier pour les 30.000 disparus que pleuraient les "Folles de la Place de Mai". Et dans un mois, la République Française rendrait un tel honneur officiel à un tel personnage. Quelle honte !!!!
Il y a 2 ans une stèle avait été érigée à la "gloire" du Colonel Château-Jobert à l’intérieur de la caserne de Pau où sont formés les jeunes parachutistes. Cet officier a participé au putsch d’Avril 1961, il a déserté, il a dirigé le maquis de l’Ouarsenis (ayant pour objectif de garder l’Algérie Française en remettant en cause le cessez-le-feu), il avait été condamné à mort par contumace pour ses activités OAS. A la demande d’interdire des cérémonies devant cette stèle et de la retirer du domaine public, la Présidence de la République vient de répondre qu’il est normal qu’elle y demeure. Quel exemple, quel encouragement pour les nouvelles recrues de l’armée. Quel message adressé aux nostalgiques de l’Algérie Française de l’OAS. Quelle mise en cause des valeurs de la République. Quel scandale !!!.
Espérons que ce premier pas augure d’un réel changement de politique envers l’Algérie, qu’enfin, la gauche au pouvoir fasse preuve d’humanisme, condamne le colonialisme et ses séquelles, condamne les crimes commis sur cette base au nom de la France, regagne une image de pays des droits de l’homme, permette un réel traité d’amitié entre les peuples algériens et français, favorisant les échanges qui devraient si naturels entre les 2 rives de la Méditerranée.
Il est plus que temps de rompre avec la nostalgie du colonialisme, de l’ "Algérie Française" , de l’OAS
Henri POUILLOT, Membre de la direction nationale du MRAP, Président de Sortir du Colonialisme
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