Massacre du 8 mai 1945 en Algérie : Les archives inédites du consul britannique à Alger. Article du 16 septembre 2010 écrit par Farid Alilat
L’opportunité de révéler ces archives britanniques s’explique par la prochaine sortie du film de Rachid Bouchareb « Hors la loi » qui aborde en partie cet épisode tragique de la colonisation française en Algérie. Comment l’insurrection a-t-elle est déclenchée ? Pourquoi ? Comment les troupes françaises ont-elles maté le soulèvement populaire ? Combien de morts de part et d’autre ? Ces archives mises à jour par Le Point (www.lepoint.fr) apportent un éclairage nouveau et inédit.
Le consul britannique en Algérie, John Carvell, nommé à son poste le 5 décembre 1942, est un visionnaire. Non seulement il avait relaté l’insurrection qui a embrasé Sétif, Guelma et Kherrata les journées qui ont suivi le 8 mai 1945, mais il a prédit que ce soulèvement populaire et sa répression féroce, sanglante par les troupes françaises allaient passer dans la clandestinité pour ressurgir plus tard sous une autre forme. Ce sera donc la guerre d’indépendance de 1954.
Le 9 février en 1945, John Carvell expédie un télégramme dans lequel il prédit des troubles en Algérie. Il adresse également au Foreign office une copie d’un rapport rédigé par un officier du renseignement militaire américain en Algérie. Dans le télégramme du 9 février, Carvell évoque une tension en Algérie et prévient que des troubles ne manquerait pas de survenir « dés que les troupes britanniques et américaines quitteront le territoire algérien (…) La tension actuelle est avant tout due aux mauvaises conditions économiques. »
« Il y aura des troubles mineurs résultant de ce mécontentement au cours des prochains mois »
Le rapport de l’officier américain qui fait une description du mouvement nationaliste en Algérie note de son côté que « l’une des causes principales du développement du mouvement nationaliste est que la population arabe souffre d’exploitation et de discrimination (…) Le point de vue français est, dans l’ensemble, que les Arabes sont une race inférieure dont les habitudes ne justifient pas l’application de normes européennes dans les affaires gouvernementales ou économiques ». Le Point écrit que le rapport conclut qu’il existe « un réel mécontentement parmi la population musulmane dans toute l’Algérie (…) Il y aura des troubles mineurs résultant de ce mécontentement au cours des prochains mois ».
Dans une note manuscrite en date du 23 mai 1945, le consul britannique raconte « la cause de la révolte ». Son témoignage se base sur des renseignements récoltés par les autorités britanniques ainsi que sur des sources non officielles du gouvernement français. Carvell écrit : « Un policier français à perdu la tête. Je suis certain qu’autant de sang n’aurait pas coulé si les militaires n’avaient pas été aussi impatients de perpétrer un massacre. » Il ajoute : « La capacité administrative française a été fortement mise à l’épreuve et s’en est plutôt mal tirée (…) Les Français ne savent pas gérer des troubles indigènes. »
Sétif, mardi, 8 mai 1945
Le consul raconte : « Quand le cortège, très discipliné et sous le contrôle de la police, arriva en face du bureau de la compagnie A du 44e bataillon de l’armée de l’air sud-africaine, un policier essaya de s’emparer de la banderole où on lisait « Libérez Messali Hadj ». Une bagarre éclata alors, un policier sorti son revolver et tua un indigène. D’autres coups de feu furent tirés, et par la police et par des civils français qui regardaient le défilé depuis leur balcon. Un désordre indescriptible s’ensuivit ; une fusillade entre Français et indigènes, sans distinction ; les indigènes qui n’avaient pas d’armes empoignèrent des chaises et tout ce qui leur tombait sous la main, les gens se faisaient attaquer quelles que soient leur race, leur couleur, leur croyance. »
« Des observations aériennes relèvent que des villages entiers furent détruits. »
C’est un document inédit que publie en exclusivité Le Point (16 septembre) sur l’insurrection et le massacre du 8 mai 1945 en Algérie. L’hebdomadaire publie les rapports que le consul général britannique à Alger, John Eric MacLean Carvell, a adressés à l’ambassade de Grande Bretagne à Paris ainsi qu’au Foreign office ( ministère des Affaires étrangères) à Londres avant, pendant et après les émeutes sanglantes qui ont embrassé la région de Sétif à parti du 8 mai 1945.