Article du Parisien (Essonne) 14 Novembre 2008
Article du Parisien (Essonne) 14 Novembre 2008
Les Pieds-Noirs ont leur lieu de mémoire.
C’est, ce n’est qu’un petit carré de terre, à l’entrée du cimetière de Ris-Orangis, mais pour les personnes présentes hier, il évoque tout un pays. Près d’une centaine de pieds-noirs, ces habitants de l’Algérie rapatriés à l’indépendance de ce pays, patientent, dans le froid et sous le soleil. Ils attendent l’inauguration d’une stèle à la mémoire de leurs amis ou parents morts là-bas. Très peu sont déjà retournés sur la tombe de leurs ancêtres. Le monument est dévoilé. L’émotion étreint les plus âgés, les souvenirs affluent. Musulmans, catholiques et juifs sacrent la stèle, sur laquelle est dessinée l’Algérie, où sont nés les milliers de pieds-noirs essonniens.
Marc est l’un d’eux. Il a 20 ans quand il quitte Alger, en 1963. Il atterrit à Draveil, dans le quartier des Mazières. « Il y avait beaucoup de pieds-noirs, on n’était pas trop dépaysés. Nous n’étions pas mal vus, l’intégration s’est faite doucement. Il y avait un peu d’indifférence. » Comme ses camarades, il bénéficie des premiers HLM de la région. Le maire de Ris-Orangis de l’époque, Henri Collet, comprenant l’urgence en fait construire plusieurs dizaines.
C’est dans un de ces appartements qu’arrive Ange Martinez, président de l’Association des pieds-noirs de Ris-Orangis, à l’origine de la stèle. « La population était accueillante. La preuve, j’ai épousé une Rissoise ! » s’exclame-t-il. Mais il reste, plus de quarante ans après, marqué par les cordons de CRS entourant les pieds-noirs débarquant à l’aéroport d’Orly. « Ça, je ne l’aurais jamais imaginé », souffle-t-il. « Et nous sommes passés du couscous au pot-au-feu ! Ce n’est pas évident », sourit Alain.
Parmi ces déracinés, aucun ne veut aujourd’hui retourner en Algérie. Même Ange, dont le père est enterré là-bas. « J’ai quitté un pays magnifique, en pleine expansion. Un ami harki y est parti il y a quinze jours. Il m’a dit N’y va pas et garde tes belles images en tête. » Alors les pieds-noirs se retrouvent en France, se réunissent, font des fêtes. « Nous avons perdu de vue tant de monde. Si cela se trouve, Ma petite copine de mon enfance habite à Ris-Orangis et je ne le sais même pas ! » s’amuse Marc.