Monsieur le Président,
A l’occasion du 14 Juillet, cette Fête nationale à laquelle les Français sont tant attachés comme symbole de Liberté, Égalité et Fraternité, nos associations souhaiteraient vivement entendre par votre intermédiaire au nom de la France et de son attachement aux Droits de l’Homme un message fort refusant inconditionnellement la torture.
Malheureusement, la question de la torture reste aujourd’hui un sujet d’actualité. Les terribles images venant d’Irak, qui ont profondément scandalisé l’opinion publique de notre pays, sont venues nous rappeler que ces pratiques existaient encore.
Dans ce contexte, la parution il y a quelques semaines dans la revue "Le Casoar", éditée par l’association la Saint-Cyrienne regroupant les élèves et anciens élèves de la prestigieuse École de Saint-Cyr, de l’article "Torture, cas de conscience : le dilemme des deux immoralités" nous a profondément choqués. D’autant qu’il a été présenté, au nom de l’ensemble de l’association par son président le général Maurice Godinot, comme "une étude approfondie, courageuse, mesurée". Cette réhabilitation de certains emplois de la torture et cette demande de légalisation de celle-ci, entourée de précautions de langage et de fausses "bornes", sont pour nous une remise en cause inacceptable de toutes les condamnations solennelles de la torture au nom des Droits de l’Homme.
La France a souvent revendiqué à juste titre son rôle mondial dans la défense des Droits de l’Homme, même si elle a connu dans le passé des pratiques indignes menées en son nom et sur lesquelles elle n’a pas encore fait toute la lumière. L’ensemble de nos associations signataires ont été en plein accord avec vous quand vous avez dit que "La France doit se montrer fidèle à cette vocation de patrie des Droits de l’Homme et, dans toutes les instances européennes ou internationales compétentes, continuer à œuvrer pour le renforcement des divers outils juridiques appropriés, comme la Convention internationale contre la torture qui mériterait d’être complétée". C’est pourquoi nous attendons de vous, comme chef de l’Etat et chef des armées, une condamnation ferme, au nom de la France, de toute velléité d’accepter un recours à la torture "sous certaines conditions" ou de lui offrir un "cadre juridique".
Ce jour symbolique du 14 juillet serait une occasion pour que la France, en condamnant fermement de telles théories, d’œuvrer à rester fidèle à l’image de la "patrie des Droits de l’Homme" qu’elle revendique. Veuillez agréer, Monsieur le Président, nos plus respectueuses salutations.
Texte signé par : ACCA (Association des Combattants de la Cause anticoloniale), ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), AMNESTY International Section Française, ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants), LDH (Ligue des Droits de l’Homme), MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’amitié entre les Peuples)
Je suis pour beaucoup à avoir œuvré à la coordination de cet appel.
Après l’envoi de cette lettre première lettre par les 6 associations citées, 17 autres organisations se sont jointes par la suite à cette démarche et la lettre a été envoyée le 13 octobre 2004. Il s’agit de : Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, Association des Travailleurs Maghrébins en France, Cimade, CGT (Confédération Générale du Travail), Enfants du Monde- Droits de l’Homme, FILDH (Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme), FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés Internés Résistants Patriotes), Fédération Protestante de France, LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire), Mouvement des Jeunes Communistes, PCF (Parti Communiste Français), Syndicat des Avocats de France, Union des Etudiants Communistes, Les Verts.
Cette nouvelle intervention est aussi restée sans réponse, tout comme celle d’ailleurs renvoyée par la suite, le 5 juillet 2005 par la sénatrice Nicole Borvo présidente du Groupe Communiste, Républicain et Citoyen qui interpellait de nouveau le Président de la République.
Même si le pouvoir politique n’a pas encore, comme aux Etats Unis, légiféré pour adapter une "légimité" juridique aux pratiques de la torture, ce silence est tout de même plus que préoccupant au pays qui se présente comme celui des droits de l’homme et est souvent généreux en leçons de morale dans ce domaine.