En inaugurant la stèle "Bigeard" à Fréjus conjointement Giscard d’Estaing et Le Drian, en ce 20 novembre 2012 c’est une apologie de la torture, une insulte aux victimes (et leur famille) algériennes, une caution au colonialisme.
A la suite de la pétition "Non à Tout Hommage officiel à Bigeard" une délégation s’est rendue au Ministère de la Défense déposer la liste des signataires 4.500 dont 4.290 sur internet et les autres sur papier le 19 novembre 2012 après midi en lançant un ultime appel au ministre.
Texte de l’Appel à Jean-Yves Le DRIAN Ministre de la Défense remis à ces Deux conseillers qui nous ont reçu : Jean-Christophe Le Minh (chef du cabinet civil) et le Général de corps aérien Antoine Noguier (chef du cabinet militaire)
Monsieur le Ministre,
Voici pourquoi nous vous demandons de ne pas présider la cérémonie d’hommage au Général Bigeard le 20 novembre 2012 à Fréjus :
1- Pour des raisons liées au personnage. Certes le Général Bigeard a des antécédents de résistant. Mais comme pour tout homme, au cours de sa vie, un individu peut évoluer, et ce qui en caractérise le sens profond, ce sont fondamentalement les derniers engagements de son parcours de citoyen. Certes les accords d’Evian ont interdit, de fait, que les auteurs de crimes contre l’humanité commis en Algérie ne puissent être poursuivis par la justice. Mais les faits historiques restent, et ne sont jamais effacés pour autant.
o Quand vous faites l’éloge, sur le site officiel du Ministère de la Défense de Bigeard avec ces termes "des cuvettes de Ban Som et de Dien-Bien-Phu en Indochine aux djebels algériens ; de Madagascar au Sénégal, il n’avait de cesse de conduire ses « lézards verts » pour quelques parcelles de gloire". Cette gloire, c’est celle d’’un tortionnaire, d’un criminel (certes amistié).
o Son nom restera tristement célèbre avec l’horrible technique qu’il fignola les "Crevettes Bigeard". C’est en employant cette expression que Paul Teitgein interrogeait Massu, en 1957, sur les 2.300 disparus pour lesquels il n’avait aucun rapport concernant leur "évaporation". Pour éliminer physiquement, en faisant disparaître les corps, Bigeard avait inventé cette technique : sceller les pieds du condamné (sans jugement, sinon le sien), vivant, dans un bloc de béton et le larguer de 200 ou 300 mètres d’altitude d’un avion ou d’un hélicoptère en pleine mer. Il avait perfectionné cette technique : au début les algériens étaient simplement largués dans les massifs montagneux, mais leurs corps étaient retrouvés. La seconde étape fut le largage en mer, mais quelques un sont parvenus à revenir à la nage sur la côte et échapper miraculeusement à la mort. C’est pourquoi il "fignola" le raffinement de sa cruauté en inventant le bloc de ciment.
o C’est par cette technique enseignée par son ami le Général Aussaresses (et les officiers supérieurs instructeurs associés Lacheroy, Trinquier…) que cette technique a été utilisée en Argentine en particulier pour les 30.000 disparus que pleuraient les "Folles de la Place de Mai".
2- Pour des raisons politiques, fondamentales. Qu’un ministre de la République officialise l’honneur à un tel personnage revient donc
o à légitimer, au nom de la France, la pratique de la torture comme une institution "normale" qui pourrait donc être désormais utilisée de nouveau par l’Armée Française.
o C’est la "justification" du colonialisme et des crimes qu’il a engendré.
o C’est une insulte faite au peuple Algérien de glorifier ce criminel qui "élimina" des milliers des leurs sans jugement que le sien… et ce à quelques semaines du voyage du Président de la République en Algérie. Cela ressemble à une provocation ignoble.
o C’est une terrible remise en cause de la notion des droits de l’homme, une disqualification rédhibitoire, pour la France de se présenter comme le pays de référence dans ce domaine.
Pour ces raisons principales, ainsi exposées, au nom des 4.500 signataires de la pétition "Non à tout hommage à Bigeard", nous adressons un ultime appel au Ministre de la Défense pour qu’il ne préside pas, le 20 novembre 2012 à Fréjus, un tel hommage qui serait un véritable déshonneur pour la France.
L’échange a duré une heure ;
Les deux conseillers on tenté de justifier la démarche de cette inauguration, en précisant qu’ils n’avaient pas l’intention de nous convaincre. Cette décision a été prise en relation avec le Président de la République qui a décidé de déléguer la présidence de cette manifestation à son ministre.
Nous avons constaté qu’il y avait sans doute un léger recul par rapport à l’annonce faite sur le site du ministère de la défense(*). Il semblerait que le ministre n’évoque plus le passé de ce tortionnaire en Algérie, mais essentiellement pendant la résistance et en Indochine. Cet honneur devait correspondre au courage de ce "valeureux soldat" qui avait agit sur ordre des politiques ;
Nous avons insisté sur le fait que le passé de Bigeard, n’était pas spécialement plus glorieux en Indochine, il s’agissait d’une guerre coloniale, et ce "valeureux soldat" s’y était fait la main, comme à Madagascar...
Il semblerait que, contrairement aux coutumes, le discours du ministre prononcé à Fréjus ne soit pas rendu public puisque sur le sire officiel du ministère ne figure qu’un compte rendu
Cette cérémonie désormais co-présidée par l’ancien Président de la République Giscard d’Estaing(**) renforce encore la reconnaissance "positive" du colonialisme
Valéry Giscard d’Estaing et jean-Yves le Drian, côte à côte.
"Les vieux soldats ne meurent jamais. Ils s effacent seulement a l horizon". A dit l’ancien Président lors de cette cérémonie, affirmant qu il est le dernier soldat emblématique de notre histoire"
Le ministre aurait dit : "Un général de corps d’armée sorti du rang, c’est un très bel exemple d’élévation. Un très bel exemple pour nos armées et pour la République... Bien plus qu’un chef, le général Bigeard était un meneur d’hommes... Du stalag XII A, dont il s’évade après trois tentatives infructueuses, au maquis de l’Ariège ; des cuvettes de Ban Som et de Dien-Bien-Phu en Indochine aux djebels algériens ; de Madagascar au Sénégal, il n’avait de cesse de conduire ses hommes (appelés aussi les « lézards verts »)"., aurait-il jouté.
(*) Si le texte du discours du ministre était diffusé par la suite, je corrigerais éventuellement cet article.
(**) Edmond Giscard, le père de Valéry, pilier du parti colonial, solide réactionnaire qui fricota avec le régime de Vichy, était membre du conseil d’administration de 8 sociétés coloniales, et président de 4 autres dont la très lucrative "Société financière française et coloniale (SFFC) qui fit sa fortune
Oui, vraiment : Quel exemple pour la République !!! Une honte pour les valeurs républicaines, une caution au colonialisme et ses bienfaits, une caution à l’utilisation de la torture comme institution et à son exportation, une insulte au victimes et en particulier les milliers de "crevettes Bigeard" algériennes...
Il ne s’agit certes pas d’un symbole aussi violent que le transfert de ses cendres aux Invalides imaginé par le regrettable Gérard Longuet. N’en reste pas moins que la présence des restes de Bigeard dans un monument de la République constitue une offense à toutes les victimes. Qu’elles soient algériennes ou françaises. Bigeard porte leur sang sur les mains, ses mains qui caressent notre mémoire.
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