Cette exposition est un mélange d’apologie du colonialisme, d’un regard complaisant à l’égard de l’OAS et des nostalgiques de l’Algérie Française et d’un travestissement des réalités historiques. C’est un positionnement similaire à celui du film "Algérie, Mémoires meurtries".
Comme on pouvait s’y attendre de cette organisation d’anciens combattants, c’est, pour l’essentiel, une ré-écriture de l’histoire de cette période sur de très nombreux points dont les plus marquants sont :
(C31) "La Rupture (1940-1954)" La présentation du 8 mai 1945 à Sétif. Certes la manifestation "dégénère" avec le massacre de 103 "européens". Mais, c’est à la suite de l’assassinat du jeune scout musulman Bouzid Saâl par un gendarme, et ce n’est pas dit !!! Un "oubli" (?)
(D43) "Le Conflit algérien : une guerre révolutionnaire" Cela est présenté comme si Lénine et Mao-tsé-Toung en seraient les instigateurs. Il suffit de reprendre les travaux des historiens et des témoins encore vivants au sujet des rapports entre le PCA et le FLN pour comprendre que la présentation de ce contexte est grotesque.
(D46) "1055-1956 : le pourrissement" L’essentiel des massacres de El HaLia et de Philippeville, ne sont pas de la responsabilité du FLN, mais de Maurice Papon et son équipe. Dans cette région un charnier de plus de 2.000 algériens a été découvert, il est généralement mis au "crédit" de l’équipe de parachutistes (le 1er REP) du Colonel Jeanpierre qui s’était déjà tant distingué par ses exactions pendant la Bataille d’Alger puis dans ce secteur en 1958. Ce colonel est loué dans le (E55) !!!
(E54) "Forces en action : Les unités supplétives" De tels chiffres donnés sont contestés par de nombreux historiens. Rien n’est dit sur les conditions d’enrôlement de ces harkis/supplétifs : victimes du système colonial
(E58) "Forces en action : les moyens aériens" Rien n’est dit sur le largage de bombes au napalm qui a détruit des centaines de villages : des "Oradour sur Glane" à la française.
(E59) "1956-1957 : La réaction" Dans ce panneau, il est dit "confiée à l’armée, la bataille d’Alger a été gagnée par des méthodes contestées, mais couvertes par le pouvoir politique". Les tortures, les viols, les exécutions sommaires, les crevettes "Bigeard"… généralisées à cette période ont continué toute la Guerre d’Algérie. Sous le prétexte qu’elles ont été "couvertes" par le pouvoir politique sont-elles acceptables ? L’expression sur le panneau F62 : "Les forces de l’ordre… durent également appliquer pour obtenir les indispensables renseignements, des méthodes brutales à des milliers de suspects dont certains étaient étrangers à la rébellion et à son terrorisme" est une forme de caution à ces crimes contre l’humanité commis au nom de la France. C’est intolérable.
(F61) "Les services spéciaux et la Guerre ’non conventionnelle’ " La présentation qui en est faite est toute pudique, même les DOP de sinistre mémoire ne sont pas évoqués. C’est cette technique qui a été exportée par les Aussaresses, Trinquier, Lacheroy,… et consorts sur le continent américain.
(G72) "Le putsch des Généraux" C’est presque une apologie des militaires qui ont tenté, par ce putsch de renverser la République. Pas un mot sur le rôle déterminant du contingent pour faire avorter cette rébellion militaire.
(G73) "L’organisation armée secrète (OAS)" : ce serait une évolution naturelle, du fait de la politique gaulliste !!!!
(G74) "Les accord d’Evian" Leur présentation est "originale". MAIS le massacre du 17 octobre 1961 (des centaines d’algériens assassinés, noyés par les policiers) commis par la police de Maurice Papon en plein Paris avec la couverture du gouvernement qui démontre la détermination de la population algérienne pour l’indépendance de l’Algérie, la paix… : un oubli sans doute. Comme le second crime d’état commis lui aussi à Paris le 8 février 1962 par les mêmes forces de police, sous les mêmes responsabilités : un autre évènement sans importante, un "oubli" !!! Pourtant ce sont des centaines de milliers de manifestants qui participent aux funérailles des victimes. L’importance de l’écho dans la population fera que ce sera l’accélération des négociations à Evian et la signature des accords un mois plus tard.
(H81) "Le Drame des Pieds noirs : la débâcle" Des dizaines de milliers de pieds noirs sont restés après l’indépendance (certains vivent toujours en Algérie). Mais la politique de terre brulée menée par l’OAS a été à l’origine du départ de nombreux de ces pieds noirs qui voulaient "garder" l’Algérie Française. La présentation de la manifestation de la Rue d’Isly du 26 mars 1962 à Alger est pitoyable, comme celle du 5 juillet 1962 à Oran.
(H82) "Atrocités du FLN : le massacre des Harkis" Le chiffre de 80.000 est exagérément grossi, même s’il est bien trop important. De nombreux harkis ont pu rester en Algérie et n’ont pas été inquiétés compte tenu de leur passé. Un autre scandale non évoqué, c’est celui du "parkage" des Harkis dans les camps de Rivesaltes, Jouques… pendant des dizaines d’années dans des conditions inhumaines, racistes…
(J93/94) "L’héritage social : santé, école, aménagement du territoire…" Il suffit de faire le ratio entre la population et les équipements pour constater la misère sociale dans ce domaine, et en plus le statut citoyen entre FSE et FSNA était tel que l’écart était encore bien plus important pour les bénéficiaires potentiels.
Rien n’est dit sur les "camps de regroupements" qui n’étaient autres que des camps d’internement. Pourtant l’ampleur : plus d’un quart de la population rurale a été ainsi déplacée mérite à elle seule d’être évoquée. Les estimations les plus basses font état de 200.000 morts dans ces camps : faim, épidémies, exécutions sommaires,…
Rien n’est dit au sujet des essais nucléaires dans la région de Régane, aussi bien envers les soldats français utilisés comme cobayes humains qu’envers la population algérienne qui continue encore aujourd’hui de subir les conséquences de la pollution nucléaire qui fait encore des ravages.
La présentation générale de cette exposition interpelle, tant sur la véracité historique, que sur les perspectives pour tourner la page de cette tragique période. Comment demander aux Algériens, les victimes de toutes ces atrocités, de ces crimes d’état, de ces crimes contre l’humanité, et par conséquence aux enfants d’Algériens dont beaucoup vivent dans nos villes, de conclure un réel traité d’amitié entre les peuples Français et Algériens quand les responsabilités ne sont ni reconnues, ni condamnées ? Après 50 ans, il serait temps !!!
Même la caution du Général Maurice Faivre ne permet pas de donner crédit à cette vue fantaisiste de la Guerre d’Algérie. Mais comment s’en étonner puisque ce militaire, qui se prétend historien et spécialiste de la Guerre d’Algérie (il était officier pendant ce conflit dans les services de renseignements), n’intervient que pour tenter de travestir l’histoire de cette période. C’est une constante chez lui.
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