Ce film qui se veut retracer, analyser la Guerre d’Algérie, réalisé pour l’ECPAD, est en fait un plaidoyer pour le rôle joué par l’Armée Française pendant cette période. On nous assène sans cesse : "La France avait gagné militairement la Guerre d’Algérie". Mais alors ? Pourquoi l’Algérie n’est pas restée Française ? La réponse feutrée : c’est que l’Armée a été trahie !!!!
Avec des apparences d’impartialité, de témoignages très divers - et en particulier en utilisant une caution de Michel ROCARD, de Jean-Pierre CHEVENEMENT et de Djoudi ATTOUMI (ancien responsable au sein de l’ALN) - ce film est une escroquerie historique. En effet, si l’essentiel des épisodes de cette Guerre d’Algérie sont évoqués, les mensonges par omission, la caricature qui en est donnée par moments font que cette ré-écriture de l’histoire est inacceptable. Et cela est d’autant plus inadmissible, que ce film a été réalisé avec la participation de l’Armée, de son service ECPAD (Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense)
Film de Éric BEAUDUCEL et produit par ECPAD (Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense).
J’ai pu participer à la présentation, en avant première, de ce film, le 31 mars 2011, à l’École Militaire de Paris.
Bien que le choix de cette date fut symbolique, le 50ème anniversaire de l’assassinat de Camille BLANC, maire d’Evian, par un commando de l’OAS voulant s’opposer aux négociations encours dans cette ville, cet épisode a été oublié dans le film.
La présentation de ce film réalisé par l’UNC (Union Nationale des Combattants), produit par l’ECPAD, faite lors de cette avant-première spéciale est significative : "Au sujet de la Guerre d’Algérie, il fallait réaliser un travail sérieux parce que on ne s’y retrouvait pas dans ce qui est paru à ce jour, sur cette question . Il a été réalisé pour ceux qui ne connaissent rien ou sont mal informés, sans rien renier de nos convictions". Présenté de cette façon par l’UNC et l’ECPAD, cela situe bien les objectifs de ce film prévu pour "officialiser" la démarche envisagée pour la commémoration du 50ème anniversaire de la fin de la Guerre d’Algérie. Je pense qu’il risque d’y avoir une large diffusion de ce film qui sera considéré comme LA référence sérieuse sur cette Guerre d’Algérie. Hélas !!!
Ce film est TRÈS habile, remarquable pour les raisons suivantes :
Il y a une participation importante de Michel ROCARD, de Jean-Pierre CHEVENEMENT, de Djoudi ATTOUMI (ancien de l’ALN) qui permettent ainsi de donner une caution semblant non partisane.
Sa façon d’évoquer la Guerre d’Algérie où l’essentiel est évoqué : la torture, l’OAS, les barricades d’Alger en janvier 1960, le putsch d’avril 1961, la fusillade de la Rue d’Isly à Alger du 26 mars 1962, la répression du 8 mai 1945, la bataille d’Alger, les exécutions sommaires...
D’une part les viols, les ratonnades, les villages rasés au napalm, les crevettes "Bigeard", des pieds noirs favorables à l’indépendance de l’Algérie, le 17 octobre 1961, le 8 février 1962,... tout cela n’a pas existé !!!
MAIS, dans les aspects évoqués, la présentation des faits est souvent très tendancieuse, cette liste significative n’est pas exhaustive :
La torture : oui, elle a existé, mais quand on entend certains dire, comme dans certains reportages vus à la télévision, que tous les militaires ont torturé, c’est un mensonge. (J’ai bien l’impression d’être très directement et personnellement visé dans ces allusions. Je ne l’ai d’ailleurs jamais dit.) Mais l’essentiel était d’oublier de dire qu’elle était devenue une institution, une pratique généralisée, même si c’était seulement de petits groupes qui en avaient la charge. Le témoignage d’un prêtre tend à cautionner la "justification" tant de fois utilisée. Celui-ci évoque un cas de conscience : en ayant fait stopper une de ces séances "d’interrogatoires sévères", n’avait-il pas empêché de savoir où étaient cachées les bombes qui allaient risquer de tuer des innocents...
Le 26 mars 1962 : les spectateurs, ne sauront qu’une chose : ce sont des tirailleurs algériens qui ont tiré sur des manifestants. Ils ne sauront pas que c’est l’OAS qui appelait à cette manifestation pour mettre en cause le cessez-le-feu signé une semaine plus tôt. Ils ne sauront pas que des membres des commandos de l’OAS ont tiré sur les militaires, provoquant ainsi une inévitable riposte, et donc que cette organisation factieuse porte la responsabilité essentielle dans ce drame.
Le 8 Mai 1945, les spectateurs sauront qu’il y a eu une centaine d’européens de tués par les Algériens, mais ils ne sauront pas que le déclenchement de cette réaction provient de l’assassinat, par un gendarme d’un jeune scout musulman manifestant sa joie pour ce 8 Mai 45 en brandissant un drapeau algérien. et que la répression a fait des dizaines de milliers de victimes... Il n’en est évoqué que 1.500.
Les corvées de bois, ces exécutions sommaires : un ancien officier évoque que l’un de ses sous-officiers, une fois, a procédé de sa propre initiative à une exécution de ce type. Il a abattu 2 prisonniers, entravés "qui voulaient s’évader" !!! L’expression "corvée de bois" n’est pas utilisée. Elle est présentée comme une initiative personnelle critiquée (qui n’a même pas été condamnée) et tout à fait exceptionnelle. Combien de milliers d’Algériens ont été assassinés de cette façon ?
Les attentats à la bombe à Alger. Le premier a été réalisé par un policier, rue de Thèbes, à la Casbah, mais ce n’est évidemment pas dit. Ce n’est quensuite que le FLN a déclenché ce type d’attentats. L’intervention, la négociation menées par Germaine Tillon pour les faire stopper n’est pas évoquée. La trêve avait été respectée tant que les exécutions capitales avaient été suspendues. Un oubli ?
Le 13 mai 1958. Le scénario présenté est digne d’une fiction ridicule.
Les barricades d’Alger de Janvier 1960, ce n’est pas beaucoup plus sérieux. "Une poussée de fièvre" ??? Le nombre des victimes militaires est minimisé.
Les camps de regroupements qui n’étaient autre que des camps d’internement, même avec l’éclairage de Michel ROCARD, sont évoqués avec une banalité indécente, tellement ils sont une procédure officielle de la France, indignes d’un pays se présentant comme la Patrie des Droits de l’Homme. En effet, c’est près 1/4 de la population civile qui est internée dans ces camps d’internement, générant des centaines de milliers de décès. Quelle serait la réaction de la population française dans de telles conditions ?
Les exécutions de harkis, après le cessez-le feu, en Algérie. Certes, il y a eu beaucoup de harkis victimes de règlements de compte en Algérie après le cessez le feu, beaucoup trop, mais l’exagération est indécente. Le chiffre de plus de 150.000 est donné, ce qui doit être 3 fois plus que de harkis réellement enrôlés dans l’armée française.
"Les crevettes Bigeard" : Comment se fait-il que les témoins consulté, ayant participé aux "Commando Georges" du Général Bigeard n’ont pas évoqué cette "spécialité" ? Ce film qui prétend informer ceux qui ne connaissent pas cette Guerre d’Algérie auraient du savoir que ce Général avait "inventé" une technique infaillible pour se "débarrasser" de prisonniers (sans qu’ils aient été jugés) : ils avaient les pieds scellés dans un bloc de béton avant d’être "largués" dans la mer d’un avion ou d’un hélicoptère. Au début, sans ces sabots en béton, des Algériens étaient parvenus à rejoindre la côte. Ce sont des milliers de personnes qui ont été assassinées de cette façon. Pire, peut-être, c’est avec cette technique française exportée en Argentine que sont disparus 30.000 hommes pleurés par le "Folles de la place de Mai". Encore un oubli !!!
Le putsch du 21 avril 1961 est quand même évoqué, mais l’un des aspects fondamental est "oublié" : le rôle déterminant des appelés du contingent pour l’échec de cette forfaiture.
Les viols ? ont été pratiqués, souvent massivement, comme des humiliations des femmes algériennes, mais aussi comme des moyens de torture, du fait de la culture familiale des Algériens. Ils ne sont pas évoqués.
Les Villages rasés au napalm ?
Voici un éclat d’une de ces bombes que j’ai ramassé le 26 novembre 2004, sur le sol d’un village, près de Khenchéla, qui comptait 800 habitants et qui fut entièrement rasé début novembre 1954. Sur le sol, on trouve encore aujourd’hui de nombreux débris de ces bombes. Il y a eu des dizaines, sans doute même des centaines, de ces "Ouradours" à la française, mais cela est aussi oublié.
Le 17 octobre 1961 ou le 8 février 1962 : c’est quoi ? Ces évènements avec leurs dates n’existent pas dans ce film. Ces 2 crimes d’État commis à Paris dont le préfet de police Maurice PAPON porte une très lourde responsabilité, n’ont toujours pas été reconnus comme tels ni condamnés. Pourtant, le 17 octobre 61 se sont des centaines d’Algériens qui seront massacrés par sa Police. Le 8 février 62, 9 militants seront aussi assassinés par cette même Police au Métro Charonne, leurs obsèques mettrons des centaines de milliers de personnes dans la rue pour leur rendre hommage. Ce dernier évènement accéléra le processus de négociations et le cessez-le-feu sera signé peu de temps après. Ignorés dans ce film !!! Ces deux évènements auront un rôle décisif dans l’accélération du processus de négociation. Le cessez-le-feu sera signé à peine plus d’un mois plus tard.
L’assassinat du Commissaire central d’Alger Roger Gavoury ou ceux des 6 inspecteurs de l’éducation nationale des Centre sociaux ? Sans importance, pas besoin de les évoquer !!! Ce sont les commandos Delta de l’OAS qui les ont commis, avec à leur tête un ancien Lieutenant (Roger Degueldre), déserteur qui fut condamné à mort et exécuté...
Les propos de Jean-Pierre CHEVENEMENT, à la fin de ce film sont affligeants : il dit qu’il peut comprendre l’attitude de certains militaires qui ont rejoint l’OAS parce qu’ils ont été déçus. Mais il est vrai qu’il est dans une même logique, depuis qu’il a inauguré une rue "Colonel Jeanpierre", ce légionnaire qui s’est illustré lors de la Bataille d’Alger de 1957, pour honorer ce militaire, et la Légion.
Vraiment, c’est un film consternant. On constate que l’Armée Française reste sur ses mêmes conceptions que pendant la guerre d’Algérie. On y sens la légitimation de sa théorie de la guerre révolutionnaire avec sa cohorte de crimes contre l’humanité qu’elle a généré, Cela ressemble fort à une justification, encore aujourd’hui.
Que des hommes politiques se présentant comme étant de gauche, Michel ROCARD et Jean-Pierre CHEVENEMENT cautionnent un tel travail de propagande, falsifiant à ce point notre histoire, est révoltant.
Combien de fois entend-on "l’armée avait gagné la guerre, ce sont les politiques qui ont bradé l’Algérie".
Ce film, et le livre "La Tourmente" qui en est la copie papier, payés par nos impôts dans le budget du ministère de le Défense, n’a pour but que la présentation falsifiée, mais considérée comme officielle de la Guerre d’Algérie.
UNE HONTE !!!!
Bonjour Mr. Pouillot. Je n’ai pas encore vu le film, mais je pense que vous avez raison. Lorsqu’on m’a proposé de participer à la réalisation du DVD, j’ai accepté volontier pour apporter la vérité sur ce qui s’était passé pendant notre guerre de libération. Et j’espère que mon témoignage n’a pas été "manipulé".
En outre, ne connaissant personne à l’ECPAD, la présence de MM Michel Roccard et de Jean Pierre Chevenement m’a rassurée quant aux intentions du réalisateur et des sponsors. Ces deux personnalités constituaient pour moi une garantie.
Je regrette que l’on m’ait fait passer pour l’adjoint du colonel Amirouche, ce qui est complétement faux. Il est vrai que j’étais son compagnon, parfois son secrétaire et membre de la première équipe du PC de la Wilaya III en 1956 et pas plus.
Dès que j’aurais visionné le DVD, je vous recontacterai.
Amitiés,
D.ATTOUMI
Bonjour Monsieur Djoudi Attoumi
Avec beaucoup de retard , je voudrais vous dire que l’EPCA, n’avait rien a me proposer (Réponse écrite) sur la force locale de l’ordre algérienne, de la période transitoire en Algérie 19 Mars 1962-Indépendance. J’ai donc écris sur Internet mes témoignages et des témoignages de militaires de cette période mutés d’office dans ces 114 unités créés par les accords d’Evian. JP Chevènement, comme beaucoup de responsables politiques étaient bien au courant de cette force locale constituée, et qui a vécue jusqu’aux événements de l’Eté 62 et qui a été occultée ensuite
Henri " Algérie , Mémoires meurtries " ne peut etre que tendancieux et orienté malheureusement .
J’avais un doute et j’ai vérifié , malheureusement je ne pense pas que ce documentaire puisse etre objectif car : avant 1954 ce sont des privés qui filment pour l’armée française puis en 1954 du fait du début de la guerre en Algérie c’est l’état sous le nom de Service Cinématographique des Armées (SCA) qui gère la propagande audiovisuelle avec durant la guerre d’Algérie une filiale à Alger et une autre à Bizerte
* transformé en Établissement cinématographique des armées du ministère de la Défense (ECA),
* puis en Établissement cinématographique et photographique des armées (ECPA) en 1969.
* pour devenir l’actuel Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) en 2001.
L’ecpad c’est l’ancien Sca de la guerre d’Algérie donc le ministère de la défense....ce sont les " rois" de la propagande, quel dommage .
Je n’ai pas encore vu le film "Mémoires meurtries" mais compte tenu de vos critiques récupérées dans tous les films sur cette guerre, faits notamment par l’Algérie en tant qu’état, et par las gauchistes de tous bords, dont vous faites certainement partie, je vais aller le voir. Vous en connaissez des films sur cette guerre qui sont objectifs ?
J’ai passé quatre ans en Algérie, avant et pendant cette guerre, et j’étais bien informé. Vous reprenez toutes les "lunes" déjà utilisées.
A propos, votre photo d’éclat de bombe au napalm, je doute que vous en avez vu en réalité, car les "bombes" au napalm étaient des bidons donc en tôle très mince qui ne pouvaient faire de tels éclats. Le contenu était une sorte d’essence gélifiée. Donc votre photo c’est également du "bidon".
Vous avez le droit de douter mais allez voir la page que j’ai réalisée sur Khenchéla et vous verrez ces morceaux de "bidons" exposés dans ce musée et le "résultat" qu’ils ont donné...
Le nom officiel des bombes au napalm était : "Réservoir supplémentaire" car à l’origine ils étaient destiné à augmenter le rayon d’action des avions. Ils étaient effectivement en tôle très mince, mais comment pouvez vous voir l’épaisseur de la tôle sur une photo ?
J’ai vu les avions de la BA140 à Blida décoller avec ces réservoirs aux quels ont avait ajouté des amorces de grenades pour les faire exploser... je n’en dirais pas plus.
Car ne trouvez vous pas qu’il est particulièrement indécent de polémiquer à propos d’un vulgaire morceau de ferraille, et de ne pas avoir un seul mot de compassion à l’égard des hommes grillés vifs par ces barbares engins. Jacques Lambour
Vous avez raison, une polémique sur l’épaisseur de ces "bidons" est bien mesquine.
Comme c’est une réalité peu connue, je l’ai donc évoquée à plusieurs reprises et en particulier sur le "reportage sur Kenchéla" où j’ai mis en ligne sur ce site la photo d’un éclat que j’ai ramené en visitant les ruines d’un village de 800 habitants, rasé en Novembre 54.
Apportez la preuve que la fusillade de la rue d’Isly est de la responsabilité de l’OAS et ne vous contentez pas d’affirmations gratuites dont on sent la haine sous-jacente, bref arrêtez votre révisionnisme !
Rassurez-vous, je compte bien mettre sur ce site, pour le 50ème anniversaire du 26 mars 1962, le plan des positions des tireurs de l’OAS qui ont tiré des toits des rues d’Isly et avoisinantes.
En attendant votre "plan" vous feriez mieux de corriger une erreur grossière qui concerne votre livre, ce n’est pas la villa Susini mais Sésini et si votre "plan" est du même tabac évitez de le produire , vos lecteurs sont assez abusés comme ça ! Vous devriez produire aussi sur les ignobles tortures exercées par le FLN notamment à El Halia en 55, mais peut être considérez vous qu’il y a de bonnes tortures et de mauvaises tortures !
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