Cette femme : Ethnologue, Résistante, engagée, elle a marqué le 20ème siècle, et en particulier, pendant la Guerre d’Algérie (et ensuite), son intervention sera marquée de son humanisme, de sa volonté de conciliation, de non violence, de défense de la vérité...
Née le 30 mai 1907, décédée le 19 avril 2008, elle fut résistante pendant sa jeunesse, puis, elle mit sa compétence d’ethnologue pour apporter sa conception humaniste pour tenter de changer le cours des choses pendant la Guerre d’Algérie.
Je n’aborderai pas son passé remarquable de résistante, de déportée pendant la seconde mondiale, ou plus tard. Je n’interviendrai que pour ce qu’elle a fait pendant la Guerre d’Algérie, et sa lutte contre la torture. Elle est à l’origine de la création des Centres Sociaux en Algérie. Elle mènera aussi un rôle important de négociations entre le FLN et le Pouvoir politique français.
C’est en janvier 1955, sur mission confiée par François Mitterrand qu’elle lancera l’organisation des Centres sociaux en Algérie.
Elle dira d’ailleurs : "Ce qui me tient le plus à coeur, ce sont les Centres Sociaux en Algérie". Jeune ethnologue elle avait beaucoup travaillé en Algérie, étudié la société Algérienne. Elle constata les traumatismes profonds laissés par les massacres de Sétif en 1945.
En février 1955, elle accepta la proposition faite par Jacques Soustelle (pour qui elle avait de l’estime, comme ancien résistant), de réaliser un projet destiné aux garçons et aux filles pour offrir des stuctures éducatives et sociales. Inspirée des innovations qu’elle avait découvertes en Algérie, de sa réflexion à partir de sa connaissance du terrain algérien, de son expérience acquise pendant la seconde guerre mondiale, elle proposa des structures polyvalentes éducatives, sociales, médicales, rattachées au Ministère de l’Éducation nationale. L’arrêté officialisant leur mise en place fut signé le 27 octobre 1955.
Son espoir était de démontrer que, par cette voie, il pouvait y avoir des changements.
Les Centres sociaux ont souvent été attaqués par la presse, comme étant en collusion avec le FLN, ainsi que par l’OAS.
Et puis il y eu le terrible attentat de l’OAS, le 15 mars 1962, à Chateau Royal près d’Alger contre 6 inspecteurs, 3 Français, 3 Algériens : Mouloud Féraoun, Ali Hammoutène, Salah Ould Aoudia, Max Marchand, Marcel Basset, et Robert Ménard. C’est un commando dirigé par Degueldre qui les a assassinés. Germaine Tillon en sera très affectée. Cet attentat va contribuer à démanteler pour une bonne part ces centres sociaux. Ils se poursuivrons quelque temps après l’indépendance, mais seront souvent très désorganisés avec les départs du personnel d’encadrement.
L’Algérie marquera toute la vie de cette femme. C’est tout d’abord en Algérie qu’elle mettra en pratique sa formation d’ethnologue, avant la seconde guerre mondiale.
Avec la création des Centres sociaux, elle espérait permettre un enclenchement de dialogue et d’intégration des différentes composantes de la population algérienne. Avec la montée de la violence : attentats à la bombe du FLN, exécutions massives de responsables de l’ALN elle tentera une médiation.
En plein bataille d’Alger, le 4 juillet 1957, elle rencontrera Yacef Saadi. La discussion fut vive, elle l’accusera même d’être un assassin. Elle obtiendra une sorte de trêve : arrêt de pose de bombes dans des lieux publics contre arrêt de exécutions des condamnés à mort. Les militaires n’apprendront ces contacts que lors de l’arrestation de Yacef Saadi, et la considèreront presque comme une agent du FLN.
Elle a n’a pas soutenu les "porteurs de valises". Elle ne croyait pas à une Algérie "arabo-musulmane". Elle espère une Algérie près de la France. Fidèle à De Gaulle, (c’est sa reconnaissance de son rôle pendant la seconde Guerre Mondiale, sa fidélité) elle en fut une sorte de conseillère discrète mais écoutée. Elle se prononça le 24 Août 1959 pour l’autodétermination, et elle est n’est donc certainement pas étrangère à la proposition du référendum pour l’autodétermination qui eut lieu en janvier 1961. Même si elle a critiqué cette Guerre d’Algérie, elle a toujours milité pour un "équilibre", une politique de réconciliation.
Elle s’est rapprochée de Pierre Vidal-Naquet sur les questions de tortures qu’elle a fortement dénoncées. En 1971, à la suite de la publication de ses mémoires de Jacques Massu, elle lui écrira. Elle a refusé que l’on dise que l’Armée Française avait pratiqué la torture comme les Nazis. En Octobre 2000, elle signe l’Appel des 12.
Cette grande dame, aura marqué, par son engagement humaniste tout ce 20ème siècle.
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