Ce fut le plus difficile des reportages auxquels j’ai participé. J’ai effectué un "pèlerinage" à Alger, re-visité la Villa Susini
Réalisé en décembre 2001, c’était la première fois que je retournais en Algérie. Et, à cette occasion, j’allais, après 40 ans, franchir de nouveau les portes de la Villa Susini. Revoir ces locaux qui n’avaient pas changé, pas même les salles de torture, fut une épreuve dont il me fallut plusieurs semaines pour que la charge émotionnelle s’estompe.
Ce reportage fut diffusé le 7 février 2002. Le thème principal tournait autour de la question des viols pendant la guerre d’Algérie.
Ce sujet était venu en pleine actualité : Mohamed Garne venait d’obtenir gain de cause, partiellement, en gagnant un procès contre l’Etat Français impliquant la reconnaissance de la responsabilité de celui-ci dans le crime dont il avait été l’une des victimes. Il est né à la suite d’un viol collectif maintes fois répété de sa mère pendant cette guerre. Son livre "Lettre à ce père qui pourrait être vous" (paru chez JC Lattès) est poignant : il retrace son parcours. Il rend homage en même temps à sa mère Khéria, qui a vécu pendant des années, recluse dans un cimetière, "parce que les morts ne pouvaient pas la condamner", elle, victime de ce crime, et considérée coupable par sa société algérienne . Ce type de drame a été vécu par de nombreuses femmes. Pendant cette guerre, le viol a été largement pratiqué, pour le repos du guerrier, très souvent, mais aussi parce que c’était un des moyens de torture horrible pour une femme de culture musulmane.
J’avais longuement expliqué dans mon premier livre cette pratique et son ampleur (cette explication est reprise dans le second ouvrage) et c’est pourquoi France 2 m’a sollicité pour en parler devant la caméra, ce que me reproche sévèrement le Général Schmitt.
A cette occasion, nous avons beaucoup échangé avec Louisette Ighilahriz, elle qui n’avait jamais pu dire "Oui, j’ai été violée", mais qui "l’avouait" (c’est son expression) en répondant par des périphrases. Autant ce courage a aidé de nombreuses algériennes à se sentir soulagées, parce que le tabou de ces crimes était levé, mais il a été aussi la source de nombreuses et vives critiques à son égard pour s’être exprimée de la sorte publiquement. Son courage doit en être d’autant plus apprécié, et soutenu.
Ce reportage a été le plus dur pour moi de tous ceux auxquels j’ai participé, même si aucun n’a été facile. Il a été beaucoup regardé, et tout particulièrement en Algérie, et par les Algériens vivant en France et leurs enfants. Il m’a valu énormément de réactions, pleine d’émotions, de sympathies. Près de 10 ans après, il reste présent dans le souvenir de nombreux téléspectateurs qui me l’évoquent souvent à l’occasion de diverses rencontres, avec beaucoup d’affection.
Je ne regrette pas cette difficile épreuve, même ce reportage a été, le reste encore parfois, l’occasion de propos odieux à mon encontre. Par exemple, le Cercle Algérianiste d’Hyères disait le 15 février 02 : Envoyé Spécial a produit un "pseudo documentaire" censé relater des faits de viols par l’armée française pendant la guerre d’Algérie, et ce, en m’accusant de "bien mimer une comédie".
Sur quelques sites de cette mouvance, je retrouve de temps en temps quelques allusions ordurières de cette nature, mais c’est bien dans la nature de ces nostalgiques de l’Algérie Française.
Vous pouvez voir un extrait à cette adresse
https://www.youtube.com/watch?v=E-Vwtrr-sD8