Henri POUILLOT
Guerre d’Algérie, Colonialisme...
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Mali, ce Chaos / Bourbier
Article mis en ligne le 1er août 2018

par Henri POUILLOT
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En novembre 2010, j’ai effectué un voyage au Mali, principalement au Pays Dogon, avec une association « Point Afrique », association participant à des actions humanitaires sur place (dans le prix de notre voyage une participation était inclue pour cela). Nous étions un groupe de 6 touristes, seulement, avec un guide local, ce qui nous a permis des contacts privilégiés avec la population locale, et des échanges formidables. Nous avons parcouru le Pays Dogon : un circuit de Mopty jusqu’au nord, limite du Sahel. Nous avons fait ce voyage dans un gros 4x4 et sur une pinasse, couchant sous tente ou sur un toit de maison. Des rumeurs évoquaient déjà le début des actions djihadistes et nous avons eu de nombreuses discussions à ce sujet. Un groupe de touristes a pu prendre notre suite, et plus aucun voyage touristique n’a été autorisé ensuite.

Pour comprendre la situation de cette région il faut prendre en considération 3 aspects
-  La situation politique et économique du Mali, très liées, pour lesquelles la France porte une terrible responsabilité
-  Le contexte social : la pauvreté, le dénuement, ...
-  L’influence possible des groupes islamiques et les enjeux géopolitiques

La France a une terrible responsabilité politique

Certes le Mali est « officiellement » devenu indépendant dans les années 1960, mais politiquement, économiquement, avec la politique de la Françafrique lancée par De Gaulle, poursuivie intégralement jusqu’à Mitterrand, toujours poursuivie un peu plus discrètement avec des réseaux de barbouzes de type Focard et compagnie, ... le pays restait sous le joug français. En 1984, la France a dévalué de 50 % le Franc CFA (toujours géré, encore aujourd’hui, par la Banque de France), sans que les pays concernés n’aient pu dire leur mot, accentuant considérablement les difficultés, et tout particulièrement dans l’administration, l’enseignement, la santé, la police, l’armée... tous les services régaliens. Soit le pouvoir en place, corrompu pour cela, jouait le jeu, au détriment de la population, ou soit, comme au Burkina-Faso, Thomas Sankara est supprimé !!! Le groupe Bolloré, de nombreuses multinationales, jouent la corruption, le pillage des richesses minières, naturelles, avec le soutien, l’aide des autorités françaises. La France continue de jouer les gendarmes de l’Afrique avec plus de 50 bases militaires implantées sur ce continent. Cette réalité, sur place, se traduit par 2 types de réactions :
-  Heureusement que la présence française est toujours là pour permettre la paix sociale...
-  La France continue une politique coloniale, d’occupation...

Le contexte social

Dans ce voyage de 2010, j’ai pu constater le dénuement. Dans cette région du Pays Dogon, dans tous ces villages, il n’y a pas d’électricité, juste quelques groupes électrogènes, parfois quelques panneaux solaires, et très rarement l’eau courante... Seules les villes comme Mopty, Bandiagara, Kidal, Gao ... en sont équipées, mais souvent avec des coupures d’alimentation dans la journée. La population vit essentiellement d’échanges locaux, autour des marchés où s’échangent nourriture et artisanat... Le tourisme qui avait commencé à se développer, en particulier grâce à des associations de type humanitaires, a été stoppé du fait des risques d’attentats, d’enlèvements... Dans ces villages, le chef de village a un pouvoir considérable, une fonction spirituelle et de police : aucun étranger ne peut rentrer sans son autorisation. Le soir la population se regroupe sous la toguna (case à palabres) autour du chef de village pour discuter, parfois regarder la télévision... Sur le plan religieux, une sorte de fétichisme, d’animisme domine, même si l’islam est pratiqué, parfois le catholicisme (importé avec le colonialisme). Alors, comme nous le commentait notre guide, quand un djihadiste vient dans un village et propose à un jeune, sans espoir, quasi désœuvré, l’équivalent de quelques centaines d’euros pour quelque temps, c’est quasi l’enrôlement assuré, et un ancrage dans le village.

Les enjeux géopolitiques.

Il est bien évident que ce n’est pas militairement qu’il sera possible d’éradiquer l’islamisme radical générant ce djihadisme. Les armes n’ont jamais pu régler une question de religion, d’idéologie : seul un débat, un contexte le permet. La démonstration c’est que l’opération qui a commencé en 2013, qui devait durer 3 mois, dure depuis plus de 5 ans, que le nombre de militaires engagés dans cette « Opération Barkhane », après celle de Serval a considérablement augmenté sans parvenir à un résultat permettant de voir l’avenir avec optimisme. Sur le fond, cette intervention militaire est ressentie, d’une certaine façon, comme une occupation de type colonialiste s’opposant « officiellement » à un concept religieux, acceptée par une partie de la population compte tenu de la carence de sa police pour assurer la sécurité de son peuple.
Quand on sait que le Mali :
-  Est le 3ème pays producteur d’or au monde, avec les besoins pour les ordinateurs, smartphones et autres...
-  Que le Sahel (dont une partie est au Mali) détient 80 % des réserves de minerai d’uranium du monde...
-  Que des réserves de pétrole, connues depuis pas mal de temps, ne sont pas exploitées pour ne pas faire chuter le prix du baril
-  Quand on sait que des réserves de gaz ont été récemment découvertes.
On peut être sûr que les puissances capitalistes, dont la France au premier plan, avec sa politique de Françafrique, ne vont pas tout faire pour protéger les multinationales afin de leur permettre de poursuivre le pillage des richesses de ce pays.
Certes, comme le dit André Bourgeot (anthropologue et directeur de recherche émérite au CNRS) la paix au Mali y est impensable sans l’implication du peuple Malien, mais tant que le cycle infernal imposé par cette « coopération » françafricaine entre un pouvoir à la solde de la Finance dite française et ces multinationales ne sera pas rompu, la misère, le chaos institutionnel organisé continueront.
Tant que le Mali ne pourra pas profiter, pour son peuple, des richesses dont il dispose, la situation dramatique actuelle risque fort de durer encore de nombreuses années, avec tous ces drames.
Les élections sont évidemment importantes, mais, hors des villes, cette tradition des « chefs de village », avec les pressions habituelles dont ils sont l’objet (et en plus, celles des groupes djihadistes-salafistes), la quasi absence de registres d’état civil (traditions orales), de listes (seulement une connaissance orale) d’habitants (donc d’électeurs potentiels) ne garantissent pas une expression réellement démocratique, et les fraudes sont difficilement contrôlables.

P.S. :

Y compris dans ce domaine, tant que la France poursuit cette politique colonialiste, elle ne peut pas revendiquer être le pays des droits de l’homme, c’est une usurpation, une escroquerie

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