Henri POUILLOT
Guerre d’Algérie, Colonialisme...
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Mon intervention au Pont Saint Michel -17 octobre 2017
Au nom du MRAP et de l’ARAC
Article mis en ligne le 17 octobre 2017

par Henri POUILLOT
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Je ne répèterai donc pas ce qu’ont dit les prédécesseurs sur ce terrible massacre du 17 octobre 1961, malheureusement bien connu maintenant, mais toujours pas reconnu pour ce qu’il est : sans doute le plus grand crime d’état commis en France, en plein Paris, avec ces centaines de victimes.

Il faut se souvenir que la France domina l’un des plus importants empire colonial du monde. Le colonialisme, basé sur le racisme, justifié parfois comme nécessaire pour "apporter la civilisation", mais qui, en fait, avait pour but essentiel d’exploiter, piller les richesses locales au profit de sociétés coloniales. Il faut se souvenir du film documentaire de notre ami René Vautier "Afrique 50" qui illustrait bien remarquablement comment le colonialisme était mis en œuvre. Ce, film fut saisi et interdit pendant des dizaines d’années.

Il serait temps que la France reconnaisse, comme pour l’esclavagisme, que le colonialisme est un crime contre l’humanité. Il serait temps que la loi du 23 février 2005 soit abolie, cette loi qui avait dit " les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord… ". Même si cette phase a été retirée, cette loi reste profondément imprégnée de colonialisme.

Pour l’Algérie, la France a la lourde responsabilité d’avoir usé de tous les moyens pour tenter d’y conserver sa domination. C’est au prix de crimes d’états (8 mai 1945 –Sétif, Guelma, Kherrata.., puis du 17 octobre 1961, enfin à Charonne le 8 février 1962) de crimes de guerre (utilisation du gaz VX et Sarin, de villages –entre 600 et 800 -rasés au napalm, des essais nucléaires au Sahara dont les conséquences sont encore sensibles aujourd’hui), des crimes contre l’humanité (institutionnalisation de la torture, du viol, des camps d’internement –pudiquement appelés camps de regroupement-, des exécutions sommaires –corvées de bois, exécutions d’otages, crevettes Bigeard…-…) que la France a tenté d’écraser ce mouvement de libération nationale. Il serait plus que temps que la France reconnaisse sa responsabilité dans ce domaine et condamne ces crimes commis en son nom, comme cela fut fait par Jacques Chirac pour la Shoah.

Certes notre nouveau Président de la République Emmanuel Macron a bien dit, à la télévision Algérienne le 15 février 2017 : " La colonisation fait partie de l’histoire française, c’est un crime contre l’humanité, une vraie barbarie…. ", et il poursuivait lors de cette même interview : " En même temps, il ne faut pas balayer tout ce passé, La France a installé les droits de l’Homme en Algérie,… " Les médias n’ont retenu que la première partie. D’ailleurs le 23 novembre 2016, dans un entretien au magazine "Le Point" au sujet de la colonisation de l’Algérie : " Alors oui… en Algérie il y a eu la torture mais aussi l’émergence d’un État, de richesses, de classes moyennes, c’est la réalité de la colonisation. Il y a eu des éléments de civilisation… "

Et puis, le 5 mai, devant la rédaction de Mediapart, quelques jours avant d’être élu, il déclarait : " De fait, je prendrai des actes forts sur cette période de notre histoire… "
Certains ont dit disent que la France, avec François Hollande, en particulier, avait fait quelques pas dans ce domaine comme sur le 17 octobre, la disparition de Maurice Audin. Reprenons ces 2 points :
Maurice Audin. Quand François Hollande est allé à Alger, en décembre 2012, il s’est recueilli devant la stèle de Maurice Audin, située sur la place qui porte son nom près du tunnel des facultés. Mais ce crochet n’a été rajouté à son programme de visites que la veille de son départ, et le mot de torture n’y a pas été prononcé. Plus tard, le 17 juin 2014, un communiqué officiel remettait, enfin, en cause la version officielle de l’évasion de Maurice Audin. Ce communiqué disait entre autre : " Mais les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque. M. Audin ne s’est pas évadé. Il est mort durant sa détention ". Mais on ne sait pas encore comment est mort Maurice Audin : à cet âge là, il est difficilement admissible de croire à un décès naturel, surtout qu’il était détenu par une unité de Paras !!! Depuis 3 ans maintenant, ni les documents, ni les témoignages nombreux et concordants ainsi évoqués ne sont connus. La famille, les historiens n’ont pu avoir accès à ces informations. L’assassinat de Maurice Audin reste donc encore un mystère. Je peux même rajouter que, à la suite de la lettre ouverte que j’ai remise, es-qualité de Président départemental de l’ARAC des Yvelines, à Pierre De Villiers Chef d’état major des armées, j’ai été poursuivi par le Général Schmitt pour diffamation et condamné pour avoir osé penser qu’il pourrait savoir comment était "disparu" Maurice Audin. Donc à ce jour, l’omerta se poursuit dans ce domaine. En mai dernier, à l’approche du 60ème anniversaire de sa "disparition", une lettre ouverte signée d’une cinquantaine de personnalités demandait au nouvel Hôte de l’Elysée de répondre à ces interrogations. Ce qu’il a fait un mois plus tard le 26 juin en nous disant : " Je puis vous indiquer que le sujet est connu du Chef de l’Etat et des membres de son cabinet qui ont été attentifs à votre démarche ." Pourtant les services de l’Elysée avaient téléphoné à Josette pour dire qu’un tel anniversaire, 60 ans, méritait une réaction. Mais depuis, sans doute à cause des vacances, rien n’a filtré et le mystère reste entier.

17 octobre 61. Certes François Hollande a déclaré le 17 octobre 2012 " Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes ." Mais le terme de crime n’est pas repris, et la responsabilité, sous entendue, n’est pas clairement définie. Pourtant le 15 octobre 2011, à la veille du 50ème anniversaire de ce massacre, il avait personnellement signé la pétition que notre collectif avait initiée, diffusée par Médiapart demandant au futur président de la République de reconnaître et condamner ce crime d’état. Il avait même rajouté qu’il irait jeter les fleurs au pont de Clichy, ce qu’il fit d’ailleurs. Il faut dire que ce 15 octobre là, c’était un samedi, la veille du second tour des primaires socialistes qui l’opposait à Martine Aubry et que celle-ci venait de signer quelques instants plus tôt cette même pétition. Une fois élu, il a oublié cet engagement.

Cette année, notre collectif a donc décidé d’envoyer une lettre ouverte au nouveau Président : Monsieur le Président : Le 15 février 2017, à la chaîne privée Echorouk News , en Algérie, vous déclariez : "La colonisation fait partie de l’histoire française, c’est un crime contre l’humanité, une vraie barbarie…." Puis le 5 mai, devant la rédaction de Mediapart, vous avez déclaré : "De fait, je prendrai des actes forts sur cette période de notre histoire…" Nous pensons donc, qu’à l’occasion de ce 56ème anniversaire du crime d’état commis en plein Paris, vous pourriez (devriez ?) ainsi concrétiser cet engagement. Aussi nous sollicitons de votre bienveillance une audience pour connaitre votre position précise à ce sujet, afin de pouvoir en rendre compte lors du rassemblement prévu le 17 octobre 2017 au Pont Saint Michel à Paris. A cette heure, nous n’avons eu aucune réaction, malgré une relance la semaine dernière : ni audience, ni communiqué.

On voit bien par ces 2 exemples que même les dirigeants actuels de la France n’entendent pas faire la lumière sur l’histoire de notre pays et tentent de la travestir, y compris par des propos de compassion, pour éviter d’en affronter la réalité. Cela a des conséquences sur le quotidien pour les ressortissants de ces familles originaires d’Algérie, dont un certain nombre furent des victimes de ces crimes : on refuse toujours de les reconnaître comme des citoyens à part entière, ils restent discriminés, des indigènes.

56 ans après ce 17 octobre 1961, la France qui revendique souvent être le pays des droits de l’homme, n’en montre pas vraiment le chemin. Comment peut-on donner des leçons dans ce domaine ? Tant que notre passé sera entaché par ces nombreuses violations, non reconnues, non condamnées, que je rappelais il y a quelques instants, la voix de la France sera difficilement audible au plan international.

Mais cette non reconnaissance de ce passé, et la poursuite d’une politique colonialiste (la Françafrique en particulier) ont des effets importants dans la population française, pour le vivre ensemble harmonieux. Pour l’illustrer je ne rappellerai qu’une expression "issu de l’immigration". Elle est entrée dans le parler courant, dans le subconscient de nos concitoyens. Mais qui concerne-t-elle ? Manuel Valls ? Nicolas Sarkozy ? Eux sont considérés comme des Français, et peut-être même des gaulois !!! par contre, ceux qui ont un nom, un prénom, une couleur de peau qui peut traduire une origine de colonisé, même s’ils ne connaissent pas le pays de leurs ancêtres ne sont toujours pas considérés comme des Français à part entière, ils restent des sous-citoyens, discriminés…

C’est sur ces mots que je conclurai, en vous demandant de ne pas baisser les bras, de continuer à soutenir ces actions pour notre fierté de défenseurs des droits de l’homme. De fait, Monsieur Macron, quand prendrez-vous les actes forts sur cette période de notre histoire … pour lesquels vous vous y êtes engagés il y a 5 mois ? " Votre silence à notre demande est sans doute significatif.

P.S. :

Pourtant dimanche 15 octobre 2017, lors de votre longue interview sur TF1 vous avez répété à plusieurs reprise que vous faisiez ce vous avez dit : Pour le 17 octobre, pour les conséquences de cette période de la Guerre d’Algérie vous vous étiez engagé à prendre des actes forts sur cette période de notre histoire !!! Auriez-vous oublié ?

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