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Lettre à Jacques CHIRAC du 11 Juin 2004

Condamnation de la Torture, Brochure du "Casoar"

Article mis en ligne le 4 juin 2010
dernière modification le 25 juin 2010
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Lettre à Jacques Chirac Président de la République


Plus d’un mois après la parution de cette revue, les plus hautes autorités de l’Etat ne s’étant toujours pas prononcées, j’ai décidé, le 11 juin 2004, de m’adresser au Président de la République Jacques Chirac. Voici la lettre :

Objet : Condamnation de la Torture, Brochure du "Casoar"

Monsieur le Président,

Je me permets d’intervenir à nouveau auprès de vous au sujet de la condamnation de la torture, puisque cette question continue malheureusement d’être d’une actualité criante à la suite des images horribles d’atrocités commises en Irak et diffusées sur les écrans de télévision ces derniers jours, et du débat proposé par l’Association "La Saint Cyrienne". Je me permets en effet d’attirer votre attention au sujet de la "Tribune Libre" parue dans la brochure le "CASOAR" N°173 d’avril 2004, revue éditée par l’association la Saint-Cyrienne qui regroupe les officiers formés à la prestigieuse école de Saint-Cyr, considérés en somme comme l’élite de l’Armée Française. Ce dossier de 11 pages intitulé "Torture, cas de conscience : le dilemme des deux immoralités" est profondément choquant. Pour résumer, ce dossier développe une thèse selon laquelle il serait nécessaire de définir un cadre juridique à la pratique de la torture.
Vous comprendrez donc mon émotion, mon écœurement, mon atterrement d’Ancien Combattant ayant eu a tant souffrir de ces odieuses pratiques pendant la guerre d’Algérie puisque je fus affecté pendant huit bons mois à la Villa SUSINI, ce centre de torture permanent à Alger pendant toute cette période, en découvrant que le Général Maurice GODINOT, le Président de cette association propose que les lecteurs réfléchissent à cette "étude approfondie, courageuse, mesurée". En temps que chef des Armées de la France, j’aimerais savoir comment vous pouvez tolérer qu’un militaire, un commandant (semble-t-il) avec cette prestigieuse formation, en conservant l’anonymat, puisqu’il n’a certes pas "pu obtenir un agrément de ses supérieurs directs" puisse diffuser une telle apologie de la torture. Comment se fait-il que le Général Maurice GODINOT, puisse cautionner une telle démarche, sans réaction de votre part ?
Je ne puis qu’exprimer ma colère en découvrant qu’une partie de l’Armée française, parmi son élite, revendique la possibilité de "légaliser" la pratique de la torture en France. Le Général Maurice SCHMITT ancien chef d’Etat Major des Armées de la France, a pris publiquement cette position à Marseille, relevée par la presse locale le mois dernier. Je n’ai pas eu connaissance d’une quelconque condamnation publique des autorités de l’Etat à ce sujet, serait-ce une caution ? J’aimerais donc connaître quelle suite vous prévoyez de donner à cette publication et à ces positions qui sont une apologie à la torture, aux crimes contre l’humanité ainsi proférée au nom d’une partie de l’Armée française, son élite, et donc de la France.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, ...

Autres lettres


J’ai envoyé une lettre identique également à Madame Alliot-Marie, Ministre de la Défense ainsi qu’au Général Bentégeat, Chef d’état Major des Armées.

Réponse du Général Bentégeat


Par retour de courrier, avant d’avoir reçu l’accusé de réception de la poste, je recevais cette réponse du Général Bentégeat.

"Par votre courrier du 11 juin vous faites part au chef d’état major des Armées de votre réaction face à un article de la revue Le Casoar intitulé : Torture, cas de conscience : le dilemme de deux immoralités. Le Général Bentégeat a lu avec intérêt votre correspondance et m’a chargé de vous répondre même si cette revue ne relève pas de son autorité. En effet le Casoar est la revue de l’Association La Saint-Cyrienne association amicale des élèves et anciens élèves de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et de l’école spéciale militaire interarmes, association régie par la loi de juillet 1901.S’agissant du sujet évoqué, le Général Bentégeat a pu s’expliquer très clairement au cours d’un entretien avec monsieur Elkabach, le 9 mai 2004 à 18 heures sur Europe 1. Je me permets de vous donner les principaux extraits de son intervention : "A titre personnel, je trouve que la torture d’une manière générale est une abomination ; c’est totalement révoltant pour tout le monde pour n’importe quel citoyen. A titre professionnel, je considère que la torture est un acte stupide et condamnable… La torture est un acte non seulement abominable mais totalement interdit, totalement proscrit et je veille tous les jours à ce qu’effectivement, ce genre d’acte ne puisse pas se produire. Vous conviendrez avec moi que les propos du Général Bentégeat sont particulièrement clairs et ne peuvent souffrir d’aucune interprétation. Certain que vous partagez la condamnation, sans aucune équivoque, de la torture formulées par le chef d’état major des Armées, je vous prie…"

P.S. :

Que doit-on en penser ?

Il est bien évident que je partage totalement cet avis face à la torture, et que cela est une condamnation explicite et sans équivoque de la position des militaires qui, par cette "étude approfondie, courageuse, mesurée" demandent la légalisation de telles pratiques. Il manque cependant son avis sur les mesures qu’il entend prendre face à ses subordonnés qui font publiquement l’apologie de la torture.

Par contre, ni le Président de la République d’alors, ni sa ministre de la défense, n’ont répondu.

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