Article publié dans la "Dépêche.fr" le 10/11/2013 de Philippe Emery
Le site, aujourd’hui démantelé, de l’ex centre de production de gaz sarin, doit accueillir une station du futur téléphérique, l’Aérotram reliant l’Oncopole à Rangueil./Photo DDM,Thierry Bordas
On savait déjà que Toulouse vivait à côté d’une poudrière (1). On vient d’apprendre que la Ville rose a aussi accueilli un site ultra-secret de production d’armes chimiques. Un ingénieur militaire à la retraite, Daniel Froment, ex haut responsable des essais d’armes chimiques en France, vient de révéler au "Nouvel Observateur", que le site toulousain de Braqueville a abrité, dans les années soixante, une unité de production de gaz d’assaut et d’armes chimiques (2).
L’ancien responsable du centre d’essais chimiques du Bouchet, dans la région parisienne, évoque la production d’une "centaine de kilos de gaz sarin, et d’une dizaine de tonnes de tabun, dans l’usine de Braqueville, près de Toulouse". Des propos qui confirment, en les minorant, les révélations du livre publié en 2006, "War of Nerves", par l’un des meilleurs spécialistes américains des armes chimiques, Jonathan Tucker, qui évoquait, lui, la production de "plusieurs dizaines de tonnes de sarin et 400 kg de VX" (produit de la famille du gaz sarin) par la poudrerie de Braqueville.
Daniel Froment assure que "la plupart (des stocks toulousains) ont été utilisés dans des tests. Dans le centre d’essais de B2-Namous en Algérie, puis dans le camp militaire de Mourmelon" et que les stocks non utilisés "ont été détruits, sur place, à Braqueville". Mais le responsable ne donne pas de date.
On retrouve la trace, dans les documents officiels du ministère de la Défense sur la dépollution de l’ex poudrerie de Braqueville (3) d’une "installation d’essais construite entre 1963 et 1965 à l’est de l’usine de poudres, en bordure de la Saudrune". Cette installation, définitivement fermée en juin 1976, permettait une production semi-industrielle à titre expérimentale, d’où son nom de « demi-grand chimique », familier des anciens employés du site chimique toulousain.
Ce demi-grand chimique était officiellement destiné à la "recherche sur les produits chimiques de synthèse". Une formulation assez vague pour couvrir la production de quelques tonnes de sarin et tabun, parmi les armes chimiques les plus dangereuses au monde (bien plus « efficaces » que le phosgène).
Le service de communication du ministère de la Défense (Dicod), contacté par nos soins, n’a pas souhaité faire de commentaire sur ces informations. Pas de confirmation mais pas de démenti, donc. L’armée reste, sur ce sujet délicat, la grande muette.
"La France, qui a signé la convention internationale prohibant les armes chimiques en 1995, ne fabrique plus d’armes chimiques, les seules existant actuellement remontent à la première guerre mondiale", a juste précisé un officier de la Dicod désirant garder l’anonymat.
Le site de l’ex-usine d’armement se trouve à proximité de l’Oncopôle. Le lieu, au bout de l’allée des platanes, où l’on a créé un parking mutualisé, doit accueillir une station intermodale du futur téléphérique, l’Aerotram qui doit relier l’Oncopole à Rangueil.
On espère que le site d’essais, complètement démantelé en 1997, a bien été dépollué et débarrassé de ses produits dangereux et de ses stocks d’armes chimiques, comme l’assurent les responsables.
(1)-A moins d’1 km de l’Oncopole, 4700 tonnes de poudre (nitrocellulose) dorment depuis 1920 sous les eaux des ballastières, les lacs creusés par les gravières du site proche de la Garonne, dans l’attente d’un éventuel traitement.
(2)-Le Nouvel Observateur du 1er novembre- « La France a testé des armes c himiques près de Paris »
(3)-SPPPI Toulouse du 5 décembre 2005
Une usine pour détruire le stock de la guerre 14-18
"La France a été le premier membre permanent du conseil de sécurité de l’Onu à signer, en 1995, la convention internationale prohibant (en 1993) la production, le stockage et l’usage d’armes chimiques", rappelle un officier du Dicod, le service Communication du ministère de la Défense.
"270 tonnes de munitions chimiques, soit quelque 18 000 munitions, produit de 15 ans de découverte et de récupération sur les terrains de la guerre 14-18 dans l’Est de la France sont conservées dans des lieux de stockage (pas à Toulouse-NDLR). La France possède une capacité totale de stockage d’armes chimiques de 350 tonnes", précise l’officier communicant qui ajoute : "Le programme Sequoia (1) prévoit la destruction de l’ensemble de l’armement chimique existant dans une usine robotisée en projet dans l’Aube, l’enquête publique doit avoir lieu fin 2013 et la mise en service fin 2015 / début 2016". Avec une capacité de traitement de 42 tonnes par an, il faudra encore compter sept ans pour éliminer totalement les stocks de munitions chimiques de 14-18.Il aura alors fallu plus d’un siècle, depuis la fin de la grande guerre, pour détruire les stocks d’armes au chlore, au phosgène ou à l’ypérite.
(1)-Le projet Sequioa répond curieusement au programme Acacia, projet de développement d’un armement chimique opérationnel qui fut développé puis arrêté sous la présidence de Mitterrand.
Cet article est une nouvelle confirmation du test, de l’utilisation des gaz pendant la Guerre d’Algérie.
Cette utilisation a très peu été médiatisée, connue.